Treize

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L'après-midi se déroule plutôt normalement. Cette fois, je me suis assise au fond de la classe, à côté d'un certain Léo, qui dort sur sa table, en bavant.

Lorsque la sonnerie de la fin des cours retentit, je jette un coup d'œil à mon emploi du temps.
16h30: rendez-vous avec le Dr Leloup.
Je hausse les sourcils. Je ne m'attendais pas à ça.

Je trouve le cabinet du docteur sans difficulté. Une petite plaque dorée sur le mur attire mon attention:
Dr Leloup, spécialisé en psychologie et psychiatrie
En psychiatrie?! Non mais c'est quoi ce délire?

Je frappe à la porte, ignorant délibérément ma petite voix.
- Entrez!
La pièce dans laquelle je pénètre n'est pas très grande.
Tout un pan de mur est occupé par une étagère qui croule sous des dossiers et des livres poussiéreux, et, au centre, un bureau, deux chaises et un fauteuil.
- Bonjour, tu es Anna Carlson, n'est-ce pas?
J'acquiesce. Le docteur est une femme (à ma grande surprise) au visage peu avenant. Ses yeux gris me transpercent à travers des petites lunettes cerclées de fer posées sur un long nez droit. Son chignon est tellement serré, que la peau de son visage est tendue; et ses mains aux longs doigts maigres sont croisées sous son menton pointu.

- Assieds-toi, m'ordonne-t-elle d'une voix sèche.
Je m'exécute et prends place sur l'une des deux chaises en face d'elle.
- Tu as passé une bonne journée?
Je ne sais pas quoi répondre. Je pourrais fondre en larmes, m'ecrouler sur son bureau et lui raconter mon horrible journée, ou me mettre à hurler en lui disant à quel point je hais cet endroit.
Je choisis de lui mentir.
- Tout s'est très bien passé, madame.
Mon interlocutrice hoche la tête et prend note sur son ordinateur. - Tu t'es fait de bons amis?
Je repense à la crise de Marie-Lou, à l'ignorance totale d'Alice, aux Nike de Timothée et à Andrea sa petite amie possessive et hypnotique.
Je réponds le plus gaiement possible:
- Oui, oui, super!
Le docteur toussote.
- Si tu as des problèmes, je suis là pour ça, tu sais.
- Oui, bien sûr! Ne vous inquiétez pas, tout va très bien pour moi.
La psychologue hoche la tête.
- Bien, maintenant, tu vas m'expliquer en détail ce qui s'est passé le jour de ton accident.

Lorsque j'ai raconté au docteur de l'hôpital que j'avais disparue, on m'a envoyée dans cet internat pour les fous. Pas question de faire la même erreur.

- Et bien, disons que j'ai eu une sorte d'hallucination...
- C'est-à-dire?
- J'ai cru que j'avais disparu et que comme j'étais invisible, je pouvais passer à travers la voiture. Mais en fait non.
Le Dr Leloup me sonde en plissant les yeux. Ses lèvres se pincent.
- Tu es sûre de ça? C'était une hallucination?
Je hoche vigoureusement la tête :
- J'ai bien réfléchi à ce qui s'est passé, et c'en était une.
Suspicieuse, la psychologue me demande:
- Alors pourquoi as-tu dit l'inverse au docteur de l'hôpital? En tout cas c'est ce qui est écrit dans ton dossier.
- Je... Je pense que j'étais encore un peu perturbée par l'accident...
Elle hoche la tête, apparemment convaincue de ma piètre explication.
- Bien, le rendez-vous est terminé. Tu reviendras demain à la même heure.

Soulagée, je m'empresse de sortir et me hâte de rejoindre ma chambre.
Je frappe.
- Entrez.
Je me fige. Après sa crise, je ne sais pas si Marie-Lou sera si contente que ça de me voir...
Allez, vas-y!
Je rentre dans la pièce.
Marie-Lou est recroquevillée sur elle-même, le menton sur les genoux, ses bras enserrant ses mollets. Elle porte un pyjama Mickey et des chaussettes en laine verte. Sur son lit, à ses côtés, je remarque un amas de mouchoirs usagés.
Je m'approche d'elle.
- Ça va mieux?
- Parce que j'ai une tête à aller bien?, me réplique Marie-Lou d'un ton hargneux.
Je recule.
Bonjour l'accueil.
Je m'assois sur mon lit et entreprends de dénouer les lacets de mes chaussures.
Au bout de quelques instants, Marie-Lou finit par rompre le silence trop pesant.
- Je suis désolée pour ce qui s'est passé tout à l'heure.
- Ne t'inquiète pas...
Elle secoue la tête:
- Non, j'ai été infecte avec toi.
Ses yeux se remplissent de larmes et ses lunettes s'embuent.
- Tu sais pourquoi je suis là?, éclate-t-elle. Hein?
Je secoue la tête.
- Parce que je suis ce qu'ils appellent "maniaco-dépressive"!, hurle-t-elle en mimant des guillemets.
Puis elle fond en larmes.
Je me dépêche de la rejoindre sur son lit et la prend dans mes bras. Elle sanglote sur mon épaule, le nez dans mon pull.
Nous restons longtemps ainsi. Marie-Lou finit par se calmer et murmure:
- Ça veut dire que je passe de moments d'excitation intense à la déprime ou la colère. C'est pour ça que je t'ai hurlé dessus tout à l'heure.
Elle essuie ses joues du plat de la main et continue:
- J'en ai assez d'être comme ça. J'ai toujours été lunatique..., mais depuis quelques mois, c'est pire...
Sa voix se brise sur le dernier mot. Elle renifle:
- J'aimerais tellement sortir d'ici... Mais je n'arrive pas à changer. C'est trop difficile...
Quelques larmes roulent sur ses joues pâles. Je la réconforte:
- Tu vas t'en sortir, Marie-Lou. J'en suis sûre et certaine.
Je lui tends un mouchoir propre qu'elle accepte volontiers.
- Mme Barbot était furieuse de voir comment je t'avais parlé. Elle a dit que "mon cas était encore plus grave qu'elle ne le pensait". Et moi qui l'appréciait...
Elle enfouit son visage dans le tissu de son pyjama.
- J'ai tout raté.
J'essaye de la reconforter:
- Mais non, voyons. Tu es géniale, on a tous nos petits problèmes. Moi aussi j'en ai, sinon pourquoi je serais ici? Et puis, ça va s'arranger. Je vais t'aider. Je te le promets. Je serai une véritable amie pour toi.
Marie-Lou me sourit à travers ses larmes.
Elle retire ses lunettes pour les essuyer, ce qui dévoile ses jolis iris bleus dont les cils sont tout collés de larmes. Elle se frotte les yeux et me fait un grand sourire.
- T'es vraiment super. Merci.
Je me lève, lui sourit et décide de me mettre au travail.
Mais je ne parviens pas à me concentrer.
J'ai promis à Marie-Lou d'être une véritable amie.
Or, je n'ai jamais eu de véritables amies.
Comment vais-je faire?

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Voilà le chapitre treeeeeiiiize!
Tout d'abord, merci pour les 223 vues.
METTEZ DES COMMENTAIRES!
Comme ça je peux savoir ce que vous pensez de l'histoire et m'aider à faire avancer l'intrigue. Bon, ok, j'ai un peu traîné à le poster (j'avais promis un chapitre par jour pour les vacances) mais comme vous voyez, les chapitres sont bien plus longs (celui-ci fait plus de 1000 mots, alors que le tout premier en faisait à peine 500^-^)
Dites moi ce que vous pensez de nos nouveaux personnages Marie-Lou, Timothée, Andrea, le Dr Leloup et Mme Barbot.

Ciao ♡

Les SurnaturelsWhere stories live. Discover now