Chapitre 5 - Partie 1

8.3K 843 45
                                    

Le lendemain matin, lorsqu'Océane dû pénétrer dans les cuisines pour préparer le petit déjeuner de son maître, une sourde appréhension nouait ses entrailles. Pourrait-elle faire face à Sila alors qu'elle avait révélé au Seigneur William ce qu'il lui avait fait ? Elle ignorait ce que ce dernier avait pu dire ou faire au chef des domestiques et donc, elle ne savait pas comment elle serait accueillie. Entrant avec angoisse dans la cuisine en effervescence, la jeune femme ne l'aperçut pas à sa place habituelle. Elle le chercha dans le tumulte incessant des domestiques, cuisiniers et autres commis, en vain. Sila était absent.

Finalement, sa défection ne la rassura pas plus. Océane se fit bousculer, alors qu'elle s'était arrêtée au milieu du chemin. Pour cacher son trouble, elle serra les poings afin de masquer le tremblement de ses mains. Rapidement, elle déposa sur un plateau de bois une petit miche de pain encore chaude et sentant bon le seigle, avec un peu de confiture de figue dont elle savait son maître friand et un verre de jus de pomme et coing. Malgré son occupation, elle ne se sentait pas mieux. Pourquoi Sila, qui se trouvait quoiqu'il arrive à cette place chaque matin, n'y était-il pas ? Que lui avait fait le Seigneur William ? Elle savait de quoi il était capable. Jusqu'où avait-il pu aller avec Sila ? Se sentait-elle mal à l'aise parce qu'il avait agi à cause d'elle, pour elle ? Trop de questions bouleversaient son esprit. C'était infernal. Il fallait qu'elle le voie et le lui demande.

En sortant des cuisines, elle croisa deux domestiques. La première glissait à la seconde qu'elle avait vu passer Sila sortant de l'un des celliers avec un œil tuméfié et tremblant de peur dans sa fuite. Un poids s'envola des épaules d'Océane, rendant son pas guilleret. Sila n'avait eu que ce qu'il méritait, sans mettre son maître dans l'embarras. De savoir cet être abject vivant la soulagea plus que de raison. Plus qu'il ne le méritait en tout cas. Cependant, une fois dans la chambre du Seigneur William, son apaisement disparu. Son maître n'était pas là et son lit n'était pas défait. Et si Sila l'avait... ? Non ! Elle refusa de penser à cette improbable idée. Elle se précipita vers les armoires. Toutes ses affaires étaient encore là. Il n'était pas parti. Peut-être avait-il alors passé la nuit dans la chambre de quelqu'un d'autre ? Cette solution, bien que fortement probable lui serra le cœur. Pourtant, il s'agissait de l'idée la plus rassurante. Elle alla tout de même sur leur lieu d'entraînement pour voir s'il ne s'y trouvait pas déjà. Il n'y était pas. Son cheval l'attendait à l'écurie, aucune réunion matinale n'avait eu lieu, aucune nouvelle entrée aux cachots. A la mi-journée, elle dut se faire à l'idée qu'il avait disparu.

William avait bel et bien découché. Il avait passé la nuit hors du château. Suite à son altercation avec Sila, il avait ressenti le besoin urgent de prendre l'air. Il était sorti hors des remparts et avait erré dans la campagne alentour. Les récoltes touchaient à leur fin. Il avait observé les paysans charger sur des charrues les derniers légumes d'été. Le fourmillement des hommes dans les champs, leurs gestes sûrs, leur efficacité l'avaient fasciné. Il avait apprécié - à leur juste valeur - les efforts qu'ils déployaient. Cette vision lui ouvrait une nouvelle voie sur la compréhension de la terre. Lui qui s'en revendiquait proche, il s'était rendu compte que jusqu'à présent, il n'en avait eu qu'un aperçu politique. La possession de la terre signifiait pouvoir et à présent il en ressentait la vie, et cela donnait un nouveau sens à son combat. Il le justifiait même pleinement à ses yeux.

Petit à petit, la nuit était tombée et elle n'était éclairée que par la Lune, pleine dans un ciel sans nuage. William avait suivi le chemin qui menait jusqu'au village. En le traversant, il avait entendu des rires et des chants qui célébraient la fin de la journée. Ses pas l'avaient guidés jusqu'à la dernière maison du village. Il savait que c'était celle des parents d'Océane, elle le lui avait dit. Il s'approcha discrètement jusqu'à une fenêtre. Il l'avait vue là, qui servait un plat à toute sa famille en plaisantant avec le plus jeune des hommes présents, qui devait être son frère, tant il lui ressemblait. La joie et l'amour qu'il y avait autour de cette table le frappèrent en plein cœur. Lui n'avait jamais ressenti cela. Il n'avait eu aucune famille, jusqu'à ce qu'il rencontre l'homme qui l'avait adopté.

La légende des deux royaumes [TERMINÉ]Where stories live. Discover now