Chapitre 21

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Lorsque Gabriel ouvrit les yeux, il découvrit qu'il se trouvait dans sa chambre au château. Endroit si familier, avec son mobilier simple, sa chaise en bois, sa table, son armoire et son lit, et pourtant si impersonnel. Rien, à part son armure déposée sur la table, ne révélait qu'il s'agissait de la pièce où il vivait depuis six.

Il détestait cet endroit, profondément. Il n'avait jamais aimé vivre ici, enfermé dans cet immense château. Pour lui, Süryell avait été une prison dont il s'était accommodé par dépit, par facilité. Mais à cet instant précis, il ne supporta plus de voir ces murs de pierre l'oppresser. S'il avait pu, il serait parti en courant de ce lieu maudit, au lieu de quoi il se releva avec difficulté sur son lit.

Il se rendit compte que sa rencontre avec Inwë avait bouleversé sa vie. Jusque-là, il avait accepté un ersatz d'existence parce que ses désirs s'étaient envolés avec sa famille. L'habitude, la routine quotidienne avaient enfoui en lui sa volonté, comme Finwë savait si bien le faire. Inwë l'avait ramené à la vie, mentalement et physiquement. Et aujourd'hui elle n'était plus.

Il se souvenait d'avoir chimériquement pu faire ses adieux à la jeune femme. Elle avait très injustement payé de sa vie pour prendre celle de Finwë. Une nouvelle fois il venait de perdre la femme qu'il avait aimé.

Erid, qui avait veillé sur lui durant son sommeil, s'était redressé du siège sur lequel il était assis. Ses membres endoloris, il ne sentait plus ses jambes, mais peu lui importait. Son frère était vivant et son air ne laissait rien présager de bon. La lumière du soleil couchant, ocre et dorée, reflétait sur lui un aspect profondément convaincu et arrêté. Gabriel avait une idée en tête et rien ne le ferait plus changer d'avis désormais. Erid s'inquiéta pour lui.

— Je veux la voir, fit Gabriel de sa voix grave mais rauque, presque sèche.

Erid se releva, déplia ses jambes et sentit une douleur sourde les habiter, plus particulièrement dans son genou où la souffrance lui tira presque des larmes. Il masqua sa grimace dans un habile sourire et se rendit jusqu'à la couche de son frère en boitant. Il aperçut sur le visage de ce dernier un instant d'inquiétude avant de se figer à nouveau. Malgré sa peine, Gabriel ne cessait pas d'être celui qu'il était.

Passant son bras sous son épaule, Erid réussit à redresser son aîné et à le mettre debout. S'épaulant l'un l'autre, tels deux estropiés, ils s'engagèrent dans le couloir pour monter jusqu'aux appartements d'Inwë où son corps reposait, attendant son bûcher funéraire.

Sur leur chemin, ils croisèrent une armée de domestiques qui remettaient en place le désordre causé par ce court, mais intense conflit. Ce qui voulait dire que quelqu'un avait pris les choses en mains. Certainement que Geosef n'y était pas étranger et que Mina s'occupait de la tâche qui lui était désormais incombée.

Après le décès de sa sœur, Géron lui avait expliqué ce qu'elle attendait d'eux et malgré leur chagrin très présent, ils avaient pris en main leurs nouvelles responsabilités. Géron s'était rendu auprès de ses amis de la rébellion en compagnie de Samios, leur expliquant les changements qui allaient advenir durant les prochaines saisons.

La cité avait ouvert ses portes à nouveau, Mina avait fait rapatrier les corps des deux monarques et elle et son mari avaient disparu pour s'occuper de tâches urgentes et on ne les avait plus revus de la journée.

Le plus émouvant pour Erid avait été la réaction de Luna après son réveil. La fillette était restée agrippée au cou d'Elio qui avait refusé de la lâcher. C'était comme si tous les deux avaient fusionné en une seule et même personne. Peut-être parce qu'ils venaient de traverser la même expérience, parce qu'ils étaient les deux versants d'une même médaille. Ou tout simplement parce qu'ils consolaient leur tristesse ainsi.

La légende des deux royaumes [TERMINÉ]Where stories live. Discover now