C'est quand les colonnes grecques du bâtiment central de Columbia apparaissent devant moi, que je me rends compte du fossé entre Manhattan et Brooklyn. Le campus est énorme, des jardins et des bâtiments en pierres rouges peuplent le paysage. Des étudiants sont assis auprès des énormes statues représentant divers personnages historiques. Malgré moi, je ne peux m'empêcher d'être ébahie par ce qui m'entoure, émerveillée même. C'est réellement gigantesque, et magnifique. Bordel.
— Mademoiselle Rhodes ?
Une jolie voix fluette vient me libérer de mon mutisme. Une grande blonde au tailleur noir et au chignon serré, elle m'a tout l'air d'être l'une des secrétaires de cette université.
— C'est moi, réponde-je en m'éclaircissant doucement la gorge.
Ais l'air naturelle Alex, ne te fais pas passer pour une plouc sortant tout droit de sa campagne.
De sa campagne non, de son ghetto en revanche...
— Si vous voulez bien me suivre.
En hochant la tête, je la suis jusqu'à l'un des bâtiments principaux du campus. Mon entrée dans le hall richement décoré suffit à faire chuter ma soudaine bonne humeur, je dirais même, ma soudaine envie "d'intégration". Mon état vestimentaire est à mille lieux de celui des étudiants se retournant immédiatement vers moi. Il n'y a rien d'étonnant à cela vous me direz, il fallait se douter que mon habituel sweat à capuche gris allait faire tâche au milieu de toutes ces robes hautes coutures. Mais leur regard... Ils me détaillent de la tête aux pieds, comme si j'étais... une sous merde, littéralement. C'est fou, je ne me suis jamais sentie aussi jugée qu'à ce moment là, et ce simple instant suffit à me remettre les pieds sur terre. Toute ma haine envers eux remonte à la surface, comme si elle ne m'avait jamais vraiment quittée. Je ne suis pas des leurs, et je le voudrais pour rien au monde.
Tout en gardant la tête haute et en ignorant les regards critiques de mes futurs camarades, je me tourne vers la femme aux cheveux blonds, véritable rayon de soleil dans cette pièce pleine de mépris et de jugement. Celle-ci derrière son bureau me tend un dossier débordant de papiers, à un tel point que cela ne m'étonnerait même pas qu'il se casse la figure d'ici les trois prochaines minutes.
— Voici les informations concernant la vie sur le campus. Votre tuteur a déjà remplit les documents administratifs, de sorte que vous n'avez plus qu'à signer.
— Mon tuteur ?
La seule tutrice que je n'ai jamais eue est ma grand-mère. Par la suite, le foyer m'a pris en charge jusqu'à mes dix-huit ans. Mais ça c'était avant, cela fait bien longtemps que plus personne ne s'occupe de moi. A moins que...
— Oui, Monsieur Rivers est passé hier après midi.
Evidemment, Dean. J'aurais dû me douter qu'il superviserait cette mission jusqu'au bout.
— Votre chambre se trouve dans le bâtiment de l'association étudiante, juste à côté de celui des sciences. En général elles sont occupées par deux étudiants, mais étant donné que vous arrivez en cours d'année vous serez seule...
— Ne vous inquiétez pas, c'est très bien !
Je sais que mon but est de m'infiltrer, et entre autre, de faire ami-ami avec les élèves de ce campus. Mais je ne peux tout de même m'empêcher d'être heureuse à l'entente de cette nouvelle. Ce nouveau mode de vie est déjà suffisamment difficile à vivre, je ne vais pas en plus me coltiner une colocation avec l'un de ces gosses de riches !
La secrétaire me donne ensuite mes clefs de chambre ainsi que mon emploi du temps, sur lequel est inscrit "Alexia Rhodes", et me laisse partir librement. Je dois dire que ça me fait plutôt bizarre d'utiliser ma vraie identité dans une mission. En général j'ai tendance à utiliser un pseudonyme, pour ma propre sécurité et pour éviter de potentielles représailles. Il m'est même arrivé de porter une perruque rousse lorsque celles-ci se trouvaient être un peu trop corsées. Mais pour cette mission, ce n'était pas possible. Je ne dois pas m'infiltrer dans l'équipe d'un bar miteux mais bien dans une prestigieuse université. Et qui dit "prestigieuse", dit secrétariat hyper exigeant. Je n'aurais jamais été admise avec des faux papiers, ils l'auraient vu tout de suite. Et Dean a déjà joué ses plus grosses relations pour me faire entrer sans que cela lui coûte un sous, il ne pouvait pas prendre le risque de se faire griller. Me voilà donc bel et bien en tant qu'Alexia Rhodes, à me balader entre les différents bâtiments de Columbia, ce qui est à la fois étrange et effrayant. Cette mission m'oblige à être deux fois plus sur mes gardes.
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PRISONERS | Terminé
RomanceDes erreurs dans sa vie, Alex en a commis des tas... mais celle-ci pourrait bien lui être fatale. Une mère décédée, un père lâche, une adolescence rythmée à base de psychologues, de débauche et de délinquance, cette jeune Brooklynoise a tout juste d...