19 - Vieux démons

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FLASH BACK – 3 ANS AUPARAVANT - BROOKLYN

— Alors ? m'exclame-je d'une voix assez élevée, afin que ma brune amie puisse m'entendre de l'intérieur.

— Ne parle pas aussi fort, Jones va nous tuer !

Mes yeux se lèvent d'eux-mêmes au ciel. Vive la discrétion. 

Pourquoi a-t-il fallu qu'elle prenne mon rôle cette fois-ci ? D'habitude c'est toujours moi qui s'occupe de l'expédition, et elle qui fait le guet. Faut dire que ma rapidité et mon agilité y est pour beaucoup. Ne vous m'éprenez pas, voler les friandises de la cantine alors que celle-ci est fermée, est une vraie mission d'espion ! Il nous a fallu des mois avant d'acquérir le plan parfait. Et voilà qu'aujourd'hui, madame veut tout chambouler ! Pourquoi déjà ? Ah oui ! Celle-ci s'en va, cette après midi. Elle quitte ce foyer, me laissant complètement tomber. 

Je sais que je devrais être heureuse pour elle. Heureuse qu'une meilleure vie s'offre dès maintenant à ma meilleure amie. Mais je ne peux m'empêcher d'être triste. Elle ne sera plus là demain matin au réfectoire, ni dans l'après midi pour traîner dans le sous-sol, ni dans la nuit quand je n'arriverai pas à dormir. Elle ne sera simplement plus là. Et j'ai beau connaitre l'existence de cette adoption depuis des semaines, cette situation est toujours aussi difficile à accepter.

Une éternité semble se découler avant que Lynna n'apparaisse à nouveau, les bras chargés de bonbons et de barres chocolatés. Son sourire est d'une grandeur incroyable et je lève une nouvelle fois les yeux au ciel.

— Il était temps, un peu plus et on se faisait choper. 

— Ça vaaa, rétorque-t-il extrêmement détendue, comme d'habitude, Je viens de récolter ton stock de la semaine. Tu n'as qu'à voir ça comme... un cadeau de départ ?

A peine a-t-elle prononcé ces mots que ma mauvaise humeur revient au galop. Mauvaise humeur, je le sais, plus que déplacée. Ainsi je me contente simplement d'ignorer sa remarque et reprends le chemin de mon dortoir, des larmes prêtent à dévaler sur mes joues. 

— Il n'y en aurait pas eu besoin si tu ne décidais pas de partir, ne puis-je tout de même m'empêcher de prononcer d'une voix à peine audible.

— Alex... soupire-t-elle. 

Je me retourne à contre cœur face à elle et fixe mes pieds, trop gênée à l'idée qu'elle puisse remarquer ma détresse. Comme si elle n'était pas la seule et unique personne à qui je me suis ouverte ces deux dernières années. 

— Je sais que c'est bien pour toi, que je ne devrais pas être triste mais...

Lynna m'interrompt en m'attrapant dans ses bras, sans réfléchir, malgré mon aversion totale pour les contacts physiques. Mais je crois que j'en ai besoin autant qu'elle aujourd'hui. Après tout, qui sait quand sera ma prochaine occasion de la serrer contre moi... 

— Ce ne sont pas des adieux Alex. Je ne m'en vais pas à l'autre bout du pays, je reste sur Brooklyn ! Et puis Meredith m'a laissée sous entendre qu'elle ne voyait pas d'intérêt à nous changer d'établissement scolaire, on se verra donc au lycée...

— Tu sais aussi bien que moi que ce ne sera pas la même chose, réplique-je, bien plus sèchement que je ne l'aurais voulu. 

Ses lèvres se forment alors en une moue adorable, et il devient de plus en plus difficile de faire la tête. 

Je connais ce regard, je l'ai vu le pratiquer une centaine de fois. Que se soit pour quémander plus de frite à cantine, ou bien pour convaincre la directrice Jones de nous laisser sortir un soir de semaine. Ça a toujours été comme ça entre elle et moi : je m'occupe de l'action, des infiltrations et elle des négociations. Avec sa gueule d'ange bien différente de la mienne, personne ne pouvait lui refuser quoi que se soit. Cette période révolue me manque déjà.

PRISONERS | TerminéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant