Chapitre 22 : Le malade inattendu

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Le 22 décembre

Jeudi matin, le service n'est pas trop occupé, mais c'est durant ma pause de midi que les choses se compliquent.

— Ah, Annabelle, nous allons avoir du retard. S'il vous plaît, allez vous occuper de la patiente du docteur Lerman, madame Peterson. Elle devrait être arrivée, la consultation a lieu en salle 367 ! s'écrie notre anesthésiste Thomas en passant à côté de moi.

Comme si je ne savais pas qu'aujourd'hui Patrick Lerman avait dit qu'il ne faisait que les consultations ! Pourquoi annule-t-il son rendez-vous ? Que se passe-t-il exactement ?

Je suis accoudée au comptoir de l'accueil des urgences, lieu où j'aimais venir lors de mes premiers jours de travail parce que je ne connaissais personne et trouvais le service bien différent du nôtre et plutôt intéressant. Il y a tellement de gens en mouvement que l'on ne remarque pas lorsque je suis seule.

Alors que je devrais aller voir cette fameuse madame Peterson, je regarde Thomas puis quand les ambulanciers arrivent avec une personne sur le brancard je comprends enfin la situation. Le docteur Lerman passe devant moi au pas de course et lorsque j'entends l'urgentiste décrire l'état de la victime, je déglutis.

— Elle n'est pas à terme, mais a perdu les eaux. Son mari et elle se rendaient à l'hôpital lorsqu'ils ont eu l'accident. Nous l'avons placée sous ventilateur suite à une insuffisance respiratoire aiguë, les contractions sont de plus en plus rapprochées, elles viennent de passer à moins de six minutes.

Le médecin urgentiste rapporte les faits au docteur Lerman qui prend ensuite la situation en main. Je regarde la femme accidentée passer devant moi et un frisson me gagne. Quel malheur d'avoir un accident quand nous sommes sur le point d'accoucher. Enfin, être accidenté est terrible, peu importe la situation, c'est vrai.

Tout le monde s'active et bientôt le mari arrive, maintenu par un ambulancier. Il ne semble pas être blessé si ce n'est choqué psychologiquement.

— Où est ma femme ? demande-t-il et il monte le ton voyant que l'on ne lui répond pas tout de suite.

Je me sens si désolée pour lui. J'espère qu'elle va s'en sortir, elle et le bébé.

Je m'apprête à me diriger vers ma section obstétrique lorsqu'un nouveau brancardier arrive, suivi d'un autre médecin urgentiste et que ce dernier crie au code bleu pour appeler le service de cardiologie.

Quand je reconnais la personne transportée, mes jambes me lâchent. Non, impossible ! Je perds équilibre contre le comptoir, m'attirant quelques regards. Parce que je suffoque, une secrétaire vient m'aider à me relever. Je me couvre la bouche et attrape la manche de la femme à mes côtés. Ma lèvre inférieure tremble tellement que je me demande si elle ne va pas tomber.

Alors que quelques personnes me regardent encore en fronçant les sourcils, je me redresse, le visage figé.

— Papa ! hurlé-je et j'utilise le peu de force qu'il me reste pour accourir vers lui.

À ce moment-là, mon attention est tellement focalisée sur mon père que je ne remarque pas le mari de la femme enceinte se diriger droit vers moi.

— C'est votre faute ! crie-t-il violemment en me stoppant dans ma course.

Je me pétrifie devant cette annonce, ne comprenant pas ce que cela veut dire.

— Si elle meurt à cause de votre connard de père, je vous bute !

Les yeux lançant des éclairs, je le vois lever la main et me couvre aussitôt le visage avec mon bras. Le tumulte de mes émotions me rend faible et je réalise que je tremble comme une feuille. Je grimace, attendant un coup qui n'arrive pas. Alors j'ose une œillade vers mon agresseur et recule en le voyant maintenu par deux hommes. Je cogne contre quelqu'un et me retourne, les yeux écarquillés de terreur. Je reconnais aussitôt cette chevelure brune ainsi que ce visage qui me hante depuis plusieurs nuits : Jales.

Petit ami et Compagnie 1 - Opération Alexander (Terminée)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant