3. La Forêt

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Je ne bois pas souvent, mais pourquoi pas ! Après tout, selon le flyer de la sorcière : c'est happy hour ! Je rentre dans le bar, il est blindé ! Toute la jeunesse hipster, dorée et branchée est là. Je n'ai pas la bonne tenue, juste un jean de tous les jours et un gilet beige. Je remonte mes cheveux en queue-de-cheval avec un élastique qui traîne au fond de ma poche.

Je rentre à coups de coude dans la foule. Je suis déterminée à me payer un verre. En me penchant au-dessus du comptoir pour appeler le serveur, je vois mon reflet dans le miroir, derrière les bouteilles d'alcool. J'ai l'air d'une étudiante qui a trop bu. Le mascara a coulé sous mes yeux en amande, j'ai la mine défaite. Je décide d'aller me rafraîchir aux toilettes. Ce ne sera pas du luxe.

En longeant les murs étroits d'un couloir, je me retrouve dans une queue sans fin. Les toilettes sont prisées, à ce que je vois... J'hésite à attendre au milieu de ces girafes à talons aiguilles. Je n'aurais pas dû entrer dans ce bar. Laurine dirait que c'est trop « hype » pour moi. Laurine... Non, je ne veux pas penser à elle en ce moment. Je ravale mes larmes et ma colère. J'entends derrière moi des rires de filles qui détaillent ma tenue : elles se moquent. Je suis prête à en découdre si elles continuent, je ne suis pas d'humeur ce soir !

Une femme avec une robe rouge parfaitement ajustée sur son corps de rêve sort des toilettes sans me regarder et s'adresse aux filles qui gloussent toujours.

— Lâchez l'affaire, dit-elle avec un sourire entendu, les toilettes sont un peu trop « animées » en ce moment... On risque d'attendre longtemps.

Ses copines font demi-tour toutes en même temps, façon banc de poissons. Elles ont un seul cerveau en commun pour agir de manière aussi simultanée ? D'autres femmes devant moi, à la plastique tout aussi parfaite dans des tops à strass, s'en vont en entendant les paroles de la fille en robe rouge. Je me retrouve seule dans le couloir. Je viens de gagner au moins huit places. Moi, ça ne me gêne pas d'attendre. Ce n'est pas comme si j'avais un truc prévu ce soir...

J'appuie ma tête contre le mur. Le contact froid me ramène à la réalité. Je ne peux pas rester ici. Je vais repartir immédiatement, j'ai assez d'argent pour me payer un petit hôtel pour la nuit. Je me mettrai en boule devant la TV pour regarder un film à la demande. Un film drôle ou un film de serial killer, ça me plairait bien. Ça me paraît plus raisonnable et ça me ressemble plus que de traîner seule dans cet endroit.

Soudain, la musique de fond se fait moins assourdissante, et j'entends des gémissements explicites venir des toilettes. Maintenant, je comprends ce que la fille voulait dire par « animées ». Tout le monde ne passe pas une aussi mauvaise soirée que moi... Je me sens soudain très bête et décide de m'éclipser. Aucune envie de passer pour une perverse qui écoute aux portes.

En me retournant soudainement, je me cogne le nez sur un truc bleu.

— Attention, voyons ! marmonne une voix masculine.

— Attention toi-même ! dis-je, passablement énervée. Je lève les yeux, le type me dévisage. Il est très grand. Je suis rentrée dans son torse. Il porte une chemise bleue qui lui donne un air de gendre idéal. Je fronce les sourcils en le voyant me dévisager avec un sourire en coin et remarque ses yeux d'un bleu très sombre, presque noirs.

— Ne me dévisage pas comme ça ! répliqué-je, consciente et gênée de mon allure générale.

— Je fais ce que je veux ! rétorque-t-il très calmement, en passant la main dans ses cheveux châtains en bataille.

— Je...

J'hésite à lui en mettre plein les dents, façon punching-ball, comme si je cherchais un exutoire à ma journée atroce, mais son regard qui plonge en moi ne dénote aucune colère, juste une sorte d'étonnement. Un sourire se dessine sur son visage. Il ouvre la bouche pour parler quand, brusquement, la porte des toilettes s'ouvre dans mon dos. Un « salut ! » résonne dans le couloir. Surprise, je me retourne pour voir surgir un garçon avec des cheveux noirs et des yeux verts.

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