L'Esprit Angélique _ Terminée _

8

La semaine que Laureline passa fut ce que Mélanie surnomma « la déprime du semi chagrin d'amour ». La jeune fille, le cœur brisé, avait tenté de rester chez elle à broyer du noir sous la couette en écoutant en boucle des chansons tristes, mais sa mère n'avait pas été du même avis.

- Tu connaîtras d'autres peines de cœur, avait-elle dit en tirant sa fille du lit. C'est ce que l'on appelle la vie, et elle ne s'arrête pas au premier garçon que tu croyais aimer.

Sauf que Laureline ne croyait pas aimer Kilian, elle était véritablement amoureuse de lui. Et pendant toute la semaine, il avait tout fait pour l'éviter. Il faisait volontairement demi-tour quand il la voyait arriver. Laureline avait tenté d'aller vers lui, sans succès.

De plus, ses pouvoirs devenaient de plus en plus durs à contrôler. Elle les sentaient bouillir en elle, faisant tout pour jaillir. Avec tous ses sentiments négatifs, elle mourait d'envie de hurler pour tout évacuer. La jeune fille laissa un jour éclater sa colère sur Mélanie.

Les trois amies étaient assises dans le réfectoire et picoraient lentement le contenu de leur assiette. Un silence de plomb pesait sur leur table. Laureline, indifférente au bruit autour d'elle, s'était enfermée dans une bulle et faisait voleter une goutte d'eau sous le regard alarmé de Mélanie et Samara.

- Fais gaffe, on nous regarde, chuchota cette dernière avec affolement.

Laureline leva les yeux sur son amie et haussa les épaules.

- Et alors ?

- Et alors ?! répéta Mélanie en agitant les mains devant les yeux de la jeune fille. T'es sérieuse ? On est que deux à être au courant de tes pouvoirs. Alors, à moins que tu ne veuilles faire flipper tout le lycée, ou pire, attirer le Démon sur toi, vas-y, continue. Mais je ne suis pas sûre que ce soit une si bonne idée.

Laureline la regarda d'un œil vide sans rien dire. D'un petit mouvement de doigt, elle fit sortir tout le contenu de son verre sous forme d'une goutte géante, et la fit voler sous le nez de Mélanie. Celle-ci écarquilla les yeux et tenta d'enfermer la création de son amie entre ses mains.

- Arrête ça ! siffla-t-elle d'un air furieux.

- Pourquoi ?Tu ne trouves pas ça drôle ? répliqua Laureline avec provocation.

- T'as un problème ma vieille ! C'est d'avoir embrassé l'autre abruti qui t'as fait péter un câble ?! Mais tu ne peux t'en prendre qu'à toi-même ! T'as pas besoin de le faire payer aux autres !

Furieuse, Laureline serra le poing. La goutte d'eau explosa au visage de son amie qui poussa un cri de stupeur. Le silence se fit dans le réfectoire et tous les regards convergèrent vers elles. En voyant Mélanie dégoulinante et Laureline à moitié levée de sa chaise, les élèves crurent qu'elle lui avait balancé son verre au visage.

- Je fais payer à qui je veux, dit-elle lentement, les mains tremblant sous l'effet de la colère.

Elle se pencha vers son amie qui frissonnait, non de froid mais de frayeur, et chuchota :

- Si tu avais été avec moi ce jour-là, il ne se serait rien passé. À qui la faute maintenant ?

Puis elle partit du réfectoire, se donnant une apparence calme et ignorant le regard des autres. Depuis ce jour, Mélanie et Samara n'avaient plus adressé un mot à la jeune fille, qui s'était rendu compte trop tard de son erreur.

Elle s'était donc confiée à sa meilleure amie et Anthony, en évoquant juste une dispute au sujet du baiser qu'elle avait échangé avec Bastien. Laureline n'arrivait pas à lui avouer sa véritable nature, même si c'était sa meilleure amie.