Toi, moi et lui

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Je porte la jupe que Charles m'a offerte avec des collants opaques. Je me sens soudainement déguisée et un peu ridicule. Deux des personnes présentes dans cette maison sauront que ce n'est pas vraiment moi.

Cal est dans le couloir loin devant moi parce que je m'attarde à admirer les peintures, je manque de me prendre une porte de chambre quand Keith entre, il a l'air d'hésiter puis me rejoint.

Je lui jette un regard en coin.

— Je ne pensais pas te retrouver ici.

Il ne répond pas alors je continue sur ma lancée.

— Et du coup je peux répondre à une de tes questions, c'était un week-end programmé parce que Cal sait depuis un moment qu'il doit venir ici. Ça m'étonnerait que ta mère ait vraiment prévu d'être à Londres.

— Ecoute, je suis furieux, contre moi essentiellement, alors je n'ai pas envie de faire causette avec toi du week-end. Sa voix vibre d'une colère mal contenue, je n'ai aucun doute à le croire quand il dit être furieux, il fui mon regard et je sens que c'est peut être mieux ainsi car je n'ai pas trop envie d'affronter à la fois ses yeux et mes mensonges. 

Je sens mon affreux réflexe revenir à grand pas et je me balance d'un pied sur l'autre discrètement. Je faisais toujours ça adolescente quand j'étais prise en flagrant délit de mensonge. Avec le temps et la multiplication de mes bobards ça m'était pourtant passé...

— Les autres vont trouver ça bizarre.

— Contrairement à Calum, moi je m'en fous des autres.

— Comme ça tu t'appelles Keith ?

Il tente de ne pas s'énerver de plus belle et me dirige dans le manoir. Avant que nous entrions dans la cuisine, il marque un arrêt.

— Ça ne te ressemble pas d'être habillée comme ça... Pourquoi ?

— Toi aussi tu es différent. Nous sommes en week-end, nous pouvons être plus décontractés.

— Sauf que toi on dirait que tu t'es déguisée en jeune première coincée.

Je tapote légèrement ma cuisse et lâche :

— C'est Cal qui veut que je fasse bonne impression...

Keith lève les yeux au ciel et entre dans la pièce.

Dans la cuisine règne un joyeux brouhaha. J'aime instantanément l'ambiance de cet endroit. Maura se jette sur moi et m'assaille de questions, elle me plaît beaucoup avec ses longs cheveux noirs de jais et ses tâches de rousseur.

Cécile me sert un thé bouillant et s'installe face à moi au côté de Maura.

— Cal était en train de me raconter votre rencontre...

Ah, et qu'a-t-il inventé ? Sentant mon malaise, il vient se placer à côté de moi et continue son récit que je découvre ébahi en même temps que Maura et Cécile. 

Il a une imagination débordante, ma parole !

— Alors, je disais qu'elle était en train de prendre des photos pour un magazine, parce qu'elle est photographe...

Il est idiot ou quoi ? Je suis nulle en plus pour prendre des photos et comment va-t-il expliquer que je n'ai amené aucun appareil ? Je croise le regard interloqué de Mac, qui s'appelle Keith, je devrais m'y faire. Lui sait que je ne suis pas photographe. Il a vu ma plaque une fois alors que je payais David.

J'écoute tant bien que mal, notre supposée rencontre où nous allions voir une comédie musicale avec chacun de nos amis respectifs. Je me demande rapidement qui pourrait bien m'avoir accompagnée à cette soirée imaginaire. Pendant cet émouvant spectacle, nous serions tombés dans les bras l'un de l'autre. Je me dis que Cal a vraiment beaucoup d'imagination parce qu'il agrémente d'une multitude de détails qu'il va me falloir retenir à présent.

Keith soupire et se tourne vers son frère.

— Tu aimes toujours autant t'écouter parler ?

— La ferme, Keith.

Cécile hausse les épaules en signe d'impuissance.

— Je suis désolée Olivia, les garçons sont un peu brutes entre eux. Mais je suis sûre qu'ils s'adorent dans le fond.

— Oui maman, on s'aime tellement qu'on habite la même ville depuis six mois et qu'on ne s'est pas vu une seule fois.

C'est Keith qui vient de parler. Je vois le regard de sa mère, peiné, se poser sur lui et je sens la réelle exaspération de Keith pour Calum. Une part de moi la comprend car il est vraiment très imbu de lui-même mais d'un autre côté, c'est un de mes seuls amis, il a toujours été là pour moi et il sait comme personne me tirer de ma solitude.

Cal se penche sur moi et m'embrasse dans le cou, je frissonne de surprise, je n'aime pas du tout la sensation, c'est comme si ... je ne sais pas... tiens, c'est comme si mon frère m'embrassait, c'est totalement déplacé. Je sens son regard dirigé vers Keith, le provoquant et je me demande comment je vais survivre à ce week-end.

Maura me tire vers elle.

— Stop Cal, y a des chambres pour ça, tu as toute la semaine pour profiter d'elle, nous on veut la découvrir. Olivia, tu pourrais être la photographe au mariage peut-être ?

Et là, j'ai besoin que quelqu'un m'aide, vraiment, mais Calum ne semble pas voir le problème, je commence à bafouiller quand Keith intervient.

— Ce serait bien que tu trouves quelqu'un d'autre Maura parce que sinon Olivia ne pourra pas profiter de ce beau moment. Tu ne voudrais pas que notre nouvelle belle-sœur loupe ça.

— Oui tu as raison, où avais-je la tête ? Heureusement que tu es là Keith ! Où vas-tu ?

— Prendre l'air.

Il se lève et sort dehors en tee-shirt sous le regard mécontent de sa mère. Je suppose qu'elle aurait apprécié que ses enfants soient capables de passer au minimum une demi-heure d'affilée ensemble. Je jette un coup d'œil à Calum, qui a l'air très content de lui.

— Cal, tu le vois deux fois par an tout au plus, tu ne pourrais pas faire un effort ? Pour moi ?

— Non, même pour toi, je n'ai pas choisi d'avoir un frère aussi chiant.

— Cal !

Le ton monte, je prends la fuite pour rejoindre Keith dehors.

Il est assis sur les marches, je me rends compte qu'on entend tout ce qui se dit entre Cécile et Cal.

— Comment peux-tu vivre avec un tel crétin narcissique ?

— ... Il a de bons côtés.

Il a un rire railleur et me jette un coup d'œil agacé.

— Ça fait combien de temps que tu le connais pour le penser sérieusement ? Allez six mois au grand max ?

— A vrai dire, cela fait cinq ans que je connais Cal et on vit ensemble depuis deux ans.

Là au moins je ne mens pas. Je vois l'étonnement se peindre sur son visage.

— J'ai toujours cru être bon juge de caractère, avoir une bonne perception des choses. Je croyais qu'il y avait quelque chose entre toi et moi. Je croyais aussi que tu étais une femme censée mais j'ai dû me tromper sur toute la ligne parce que visiblement tous ces matins ne représentaient rien. Faut vraiment être con !

— Toi ou moi ?

Ma demande de précision arrive un peu comme un cheveu sur la soupe et je voudrais retirer cette phrase idiote dès que je l'ai prononcée. Agacé, il y répond tout de même.

— Toi, moi et lui.

Il se lève et tape son jean, il ne part pas pour autant, il attend une réponse à une question qu'il n'a pas encore formulé. Et je tente une réponse.

— C'est quelqu'un de bien.

— Toi, mieux que personne, devrais alors savoir que je dis vrai.

La sonnerie de mon téléphone retentit et je décroche pour couper court à mon échange avec Keith. Furbisher veut que j'aille voir un témoin à Inverness le lundi suivant.

J'avais oublié ce que c'était que d'être aimée (TERMINÉ)Onde as histórias ganham vida. Descobre agora