Trop d'Anglais

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Je stresse un peu, j'ai pris une initiative qui pourrait très mal tourner, je n'en ai même pas parlé à Keith... J'aurais dû ... Mon Dieu, qu'est-ce que j'ai fais ?
J'en ai juste touché deux mots à Maura sans lui dire le pourquoi du comment et avec son petit côté fouine, elle a évidemment dit oui.

Je reçois un texto de cette dernière et descend la rejoindre dans la cuisine. Elle est énormément stressée déjà.

— Salut ma belle, qu'est-ce qui ne va pas ?

— C'est les cousins d'Edern, c'est des cons, je ne les supporte pas, ils sont misogynes, racistes, grossiers, vulgaires...

— Que de qualités ! Ils vont participer aux Highlands games ?

— Oui, c'est vos adversaires. J'espère que tu vas les ratatiner d'ailleurs. Si tu pouvais leur rabattre le caquet !

Je la regarde et j'oublie de refermer la bouche, mes adversaires ? De quoi diable parle t'elle ?

Amusée, elle me dévisage.

— Toi, tu n'as pas l'air de savoir que tu es l'un des participants ?

— Je, quoi ?

— Dans l'équipe d'Edern ils seront six à vouloir participer et de notre côté, les hommes n'étaient pas assez nombreux alors papa a décidé que tu serais l'un d'eux et qu'à vous quatre vous alliez leur foutre une raclée. On manquait désespérément de participants et ça lui rappelait l'absence de Stu. C'est là où il se trompe, Stu n'aurait jamais participé à des Highlands games.

— C'est pour ça que tu as accepté aussi facilement ma proposition ?

— Oui et ça avait l'air important pour toi.

Je réfléchis et réalise qu'encore une fois on a l'air d'avoir oublié que je suis une femme, qu'est-ce qui cloche chez moi ?

— Honnêtement Maura... Je ressemble à une femme ou à un homme ?

— Qu'est-ce que tu racontes ?

Elle se met à rire et me tend une planche à découper et des légumes.

— Tiens, aide-moi au lieu de dire des bêtises, je te trouve très jolie, je suis même un peu jalouse de tes yeux, je n'en ai jamais vu d'aussi clairs et tes cheveux ! J'aurais tué pour avoir leur couleur.

— Arrête je vais rougir.

— Non mais comme tu demandes, je trouve que mon frère et toi vous faites un couple magnifique.

Je n'insiste pas là-dessus, parce que je ne sais pas trop de quel frère elle parle.

— Alors dis-moi pourquoi ton père me prend pour compléter son équipe d'homme ?

— Ben tu sais ... ?

— Non justement !

Elle hésite avant de se tourner vers moi à nouveau avec son grand regard lumineux.

— Et bien, il sait que tu vas tous les latter, tu es coriace.

— Je suis une brute ?

— Un peu... C'est plus qu'en fait tu aurais pu naitre dans cette famille, te voir parmi nous c'est comme si c'était naturel, on t'a vu trois fois qu'on sait déjà que ça doit être ainsi.

Maura a penché la tête et dit plus bas, je déchiffre à peine la phrase qui franchit ses lèvres.

— Tu es en train de réparer ce que le départ de Stuart a causé. Tu les as ressoudé.

Et soudain j'ai froid, je frissonne, et si je cassais tout ça de part mes mensonges et mes initiatives.

On entend des rires d'hommes dans la pièce d'à côté et quelqu'un m'appelle, je me lève avec mon épluche légume et pénètre dans le salon, les cousins d'Edern font face aux hommes du clan Alister.
Murray a déjà l'air agacé par les gringalets. Enfin "gringalets" est la pure expression de mon mépris car en réalité ils sont sacrément balaises.

— Les jeux auront lieu sur le terrain derrière, on commencera par le caber toss...

J'ouvre de grands yeux, je crois qu'il est en train de parler du lancé de tronc d'arbre, ils sont malades ? Je ne vais pas faire ça ... j'ai lu que c'était entre trente à soixante kilos.
Grigor, le cousin le plus grande gueule me désigne en riant.

— Non mais attendez Murray, c'est une blague, c'est votre équipe ça ? Mais on va vous écraser ! Ça n'est même pas du challenge.

Murray se contient et inspire avant de reprendre, il doit vraiment aimer Maura pour supporter les Penbor. Edern affiche une mine contrite mais je perçois son sentiment patriotique poindre car à aucun moment il ne propose de nous rejoindre.
Murray explique donc qu'après le lancé d'arbre, nous allons lancer des pierres, des marteaux, des poids en hauteur, en longueur. Soudain je craque.

— Murray, sinon vous faite autre chose de lancer des objets ?

Les cousins gloussent évidemment et Murray claque de la langue.

— Petite, t'y mets pas !

Keith s'est placé près de moi et me lance un regard amusé tout en secouant la tête, « courage » semble t'il me dire, à moins que ça ne soit « tiens-toi tranquille »

Tout à coup, la porte s'ouvre, Maura s'avance.

— On a un nouveau participant pour équilibrer les équipes. Un ami de la famille.

Et elle s'efface devant Charles et repart. Il est beau dans sa tenue décontracte, ses cheveux en bataille, très flegmatique, je le trouve aujourd'hui plein d'une assurance nouvelle.

Je reste suspendue à la réaction de Calum, je m'attend à un déferlement de colère, à ce que tout parte en cacahouète. Je sens que je vais passer avec Charles un sale quart d'heure. Dix bonnes secondes s'écoulent, un brin gênantes, avant que Keith s'avance et lui donne une tape.

— Salut mon pote !

Il faudra que je lui dise un jour d'éviter cette accolade virile qu'il ne fait que pour Charles comme s'il essayait de ne surtout pas avoir l'air de le traiter différemment des autres hommes.
Je me jette à son cou.

— Mon Charles, comment s'est passé le trajet ?

— Bien, je n'étais pas sûr d'être attendu cependant.

J'entends Murray qui bougonne « ça fait trop d'anglais » ouais enfin sauf qu'il a vite fait d'oublier que moi je ne le suis pas mais bon... enfin s'il trouve que ça fait trop d'anglais, il risque de vite trouver que ça ne fait pas assez de testostérone.

Calum et Charles se dévisagent, je les sens malheureux, la balle est dans le camp de mon meilleur ami, saura t'il la saisir ? Charles fait depuis toujours des pas dans sa direction, il ne lui en reste plus qu'un à faire.
Cal me jette un regard désespéré, il n'a pas l'air de m'en vouloir, mais il cherche juste mon soutien, je tente alors la technique de Cécile, je plisse les yeux avec bienveillance, comme Clifton, « on a qu'une vie »

Alors là, il se passe quelque chose d'assez impressionnant, je pensais qu'ils allaient, au mieux, se faire la bise, se serrer la main dans un premier temps et peut-être après que Calum aurait tout avoué mais non, avec lui c'est tout ou rien, il s'avance et emballe Charles... devant Murray et devant les gallois. Et ce n'est pas juste un smack, c'est assez intense. Malgré nos années de colocation, je n'avais jamais vu ce genre d'effusion. Je ne suis pas sûre qu'il ai choisit le bon moment. Keith se rapproche au cas où nous devions tous faire front devant la colère de son père.

Je pense d'ailleurs que si les yeux de Murray avaient pu lui sortir de la tête, ils l'auraient fait, je sens un déferlement de violence en lui et je me place à côté pour lui chuchoter.

— Il se peut que ce soit à ça que je faisais référence.

— Humpf... grommèle t'il avant de se tourner vers Calum qui le dévisage à présent, le menton relevé, le défiant. Je me demande s'ils ont déjà fait autre chose que se défier dans leur vie. Pour le moment, le cadet des Alister a pris la main de Charles et je vois qu'ils sont prêts à partir.

Nos regards se tournent vers Murray.

J'avais oublié ce que c'était que d'être aimée (TERMINÉ)Where stories live. Discover now