Ces choses que nous savons sans les dires

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Un peu plus tard, je suis assise à « notre » table, j'ai un sourire aux lèvres en voyant Marie coller son fils dans les bras de Keith comme pour lui donner le déclic, ça m'amuse beaucoup de les voir faire tous ces efforts.

— J'ai quelque chose à t'annoncer de difficile, et je préfère que ce soit maintenant.

John me dévisage, il m'a fait peur cet andouille.

— Tu vas m'annoncer que tu es amoureux de moi et que tu démissionne car c'est trop dur de travailler ensemble.

Il a l'air vraiment surpris puis peiné.

— Au moins tu es au courant.

Merde, je plaisantais ! Il est sérieux là ?
Je reste interdite avant de voir ses yeux sourire.

— Arrête de te foutre de ma gueule !

— Eh t'as failli y croire.

— Tu as toujours été doué pour le mensonge John.

— Toi aussi, c'est une qualité dans notre métier « ne vous en faites pas tout va bien se passer » n'est-elle pas notre phrase favorite en situation de crise ?

— Bon allez, dis-moi ce qui te travaille encore plus que d'avoir commandité l'assassinat de trois personnes en mon nom.

— Je vais faire comme si je n'avais rien entendu.

— Allez !

— Ecoute, j'avais lancé une recherche sur Sébastien pour toi.

Je me ferme instantanément, je sais ce qu'il veut m'annoncer, je l'ai découvert déjà cette semaine et je n'en ai parlé à personne.

Je laisse mes yeux se perde dans la rue.

— Je sais John, ne te tracasse pas.

Ce que Luc a cherché à me dire il y a presque un mois c'est que Sébastien était venu le trouver il y a cinq ans et lui avait donné une grosse somme d'argent pour l'association dans laquelle Luc et lui s'étaient investis, sur les différents handicaps. Voilà où était passé tout l'argent liquide disparu de ses comptes. Et il était parti sans rien dire. Et j'avais su, au plus profond de mon âme que Sébastien avait alors mis fin à ses jours.

John me glisse un dossier que j'épluche sans un mot, je vois qu'il a dû se déplacer en France pour obtenir plusieurs rapport d'autopsies, recouper des données archivées et des témoignages. Et il a fini par trouver son corps, ou plutôt retrouver l'identité d'un corps découvert cinq ans avant.

— Tu sais j'imaginais vraiment sonner un jour à la porte de Tom, qu'il m'ouvrirait et me dirait de faire moins de bruit parce que Belle et Seb se reposaient dans une chambre à côté. Je les aurait vu plus tard, main dans la main, Belle assise sur les genoux de Seb, riant, insouciant et heureux... Elle m'aurait dit avoir pensé à moi tous les jours... Au moins sur ce point là, je sais qu'effectivement elle a dû penser à moi.

Il pose sa main sur la mienne et je soupire.

— J'ai autre chose pour toi, je suis venu te libérer d'un poids. Nous avons clos l'enquête de Tom et Belle et j'ai dû aller annoncer à ses grands-parents son décès.

— Je ne vois pas bien en quoi ça va me libérer.

Il claque la langue, mécontent que je le coupe et continue. Du coin de l'œil je vois le regard ombrageux que Keith lui lance et je retire ma main de sous la sienne.

— Sa grand-mère m'a appris que Belle les avait contacté avant son voyage à Jersey, elle leur avait donné rendez-vous mais son grand-père n'a pas pu venir, il a fait un triple pontage.

C'est Belle... C'est elle qui avait conduit le tueur à elle. Disons, que ça pouvait aussi bien être elle que moi... et ce simple doute me libère d'un grand poids.

John se lève et passe devant moi, au passage, il pose sa main sur mon épaule.

— Merci John.

Je lève les yeux vers Keith qui ne nous avait pas quitté du regard, il a l'air interrogateur et me rejoint pour déposer un baiser sur mes tempes.

— Tu es crevée, on rentre.

— Je voudrais te dire que non, mais tu as raison je suis naze.

— Je vais nous excuser auprès de tout le monde.

Il ne dit rien dans la voiture, il a l'air nerveux ou en colère.

— Tu es fâché à cause de quelque chose que j'ai fais ?

— Non.

— C'est John ? Tu es jaloux.

— Un peu, je ne vais pas te mentir, mais je te fais confiance.

— Alors quoi ?

Il a un soupir piteux, je vois que ça lui coûte de me faire l'aveux qui va suivre.

— Je ne supporte pas d'avoir autant de monde autour de nous, je voudrais juste être avec toi et j'adore ta famille, je supporte de mieux en mieux la mienne mais...

— ... mais tu n'en peux plus. Tu sais moi non-plus.

On se regarde soulagés.

— Viens on s'enferme chez nous tout le week-end et on regarde des "docteur who"

Il faudra que je pense un jour à avouer que je déteste.

— Oui ! Super idée !

Il me lance un regard moqueur.

— J'adore cette série, ça me fait vraiment plaisir que tu l'aimes autant que moi.

— Ouiiii.

Ce n'est que quand il éclate de rire que je comprends tout ce temps qu'il a passé à se moquer de moi, il sait très bien que je déteste le saligaud.

— Je t'aime Olivia/Lili. Profondément, irrémédiablement et infiniment.

— Je t'aime aussi Keith Alister, passionnément.

Je prends conscience que c'est la première fois que je lui dis et que je n'avais pas seulement oublié toutes ces années ce que c'était que d'être aimée, j'en avais presque oublié ce que cela faisait d'aimer à son tour.

Jusqu'à lui.

J'avais oublié ce que c'était que d'être aimée (TERMINÉ)Where stories live. Discover now