Silence 11

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Kaneki arriva chez Uta tard dans l'après-midi. Officiellement, il venait s'assurer du bon avancement de sa commande. Officieusement, il venait pour une toute autre raison.

Il se dirigea tranquillement vers l'arrière-boutique, Touka sur ses talons. La jeune femme n'avait que très peu parlé durant leur voyage. Kaneki se demandait si c'était dû à la contrariété, ou au fait qu'elle était plongée dans ses pensées.

Itori les accueillit avec entrain, elle sirotait une boisson vermeille aisément identifiable par son odeur sucrée. Elle prit Touka dans ses bras et s'extasia comme à son habitude sur la magnifique couleur de ses cheveux. Kaneki, lui, salua Uta, qui observait Itori vider sa meilleure bouteille avec un calme de façade effarant.

-Où est Alice ? interrogea alors Touka, se libérant de l'étreinte d'Itori.
-Avant que vous n'alliez la voir, il faut que je vous parle, les retint la jeune femme.

Elle leur exposa la situation : les veines noires qui se développaient sur le corps d'Alice, les explications sur leur provenance et leur signification, leurs conséquences... Et une possible révélation quant à la véritable nature de la jeune femme.

-Elle serait donc... une hybride créée et entraînée pour nous tuer ? souffla Touka.
-Ce n'est pas encore chose certaine, tempéra Itori. Mais de nombreux signes vont dans ce sens. Ces veines la rendront bientôt malade, mais ce n'est pas contagieux. C'est quelque chose de spécifique qui n'arrive qu'aux rats de laboratoire du CCG.
-Le CCG, répéta Kaneki dans un murmure.
-Encore eux, siffla Touka, son regard se durcissant.
-Ces explications ont choqué Alice, révéla Itori. Je crois qu'elle se voile la face.
-Elle sait qu'elle est concernée par cette vérité, intervint Uta, nonchalamment accoudé au bar. Elle commence à comprendre.

Touka se leva :
-Où est-elle ?
-Toi, tu restes ici, lui ordonna Itori. C'est une excellente chose que tu sois là. J'ai des nouvelles de ton frère.

Touka hésita. Kaneki posa une main sur son épaule.

-Je me charge d'Alice. Viens nous voir quand tu auras fini.
-D'accord.
-Elle est dans la pièce d'à côté, l'informa Uta. Si j'étais toi, je me méfierai : elle a son Quinque.

Kaneki le remercia et alla toquer poliment au battant avant d'ouvrir lentement la porte. Il découvrit Alice recroquevillée dans un coin de la pièce, le menton posé sur ses genoux, les yeux grands ouverts. Kaneki ressentit immédiatement son trouble et s'approcha prudemment, surveillant la lame noire que la jeune femme agrippait comme si sa vie en dépendait. Elle ne nota sa présence que lorsqu'il s'agenouilla face à elle. Sur son bras gauche étaient dessinés des sillons noirs qui disparaissaient sous la manche courte de sa tenue.

-Que s'est-il passé ? demanda-t-il.

Alice baissa les yeux et secoua la tête. Un souffle franchit ses lèvres, un soupir qui traduisait son incompréhension. Elle était perdue.

-Mes souvenirs, signa-t-elle après un long moment. Ils sont illogiques. Ils s'entrechoquent et se contredisent. Je ne comprends plus...

Elle posa les mains sur ses genoux, les épaules basses, la mine défaite. Kaneki prit sa main gauche et observa minutieusement les veines noires qui tranchaient sur sa peau pâle. Distraitement, il suivit une des lignes sombres du bout de l'index.

-C'est douloureux ?
-Moins qu'avant. Itori pense que la douleur arrivera par vague.
-Parle-moi de tes souvenirs.

Kaneki ressentit aussitôt la tension gagner le corps d'Alice. Le bras qu'il tenait se crispa, et il put presque sentir la jeune femme lutter pour se dégager.

White SilenceWhere stories live. Discover now