Silence 13

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S'il y avait bien une chose qu'Eto aimait faire, c'était s'amuser. Mais pas de n'importe quelle manière, oh ça non. Dans un monde où les divertissements étaient aussi rares que la nourriture, il fallait prendre soin de choisir quand et comment l'on pourrait se distraire. Eto était particulièrement douée pour cela. Surtout quand sa récréation dépendait de la résistance de son jouet.

Et en ce moment, elle en avait trouvé un particulièrement intéressant, bien qu'il fasse remonter des souvenirs amers à la surface de sa mémoire. Mais qu'importe, puisqu'il était sans nul doute le jouet le plus solide qu'elle ait possédé ces dernières années.

Enchaînée à un mur, Alice la fixait sans ciller. Dans ses yeux brillait une certaine expectative, un espoir qu'Eto souhaiter détruire de manière créative. Elle n'aurait pas à réfléchir longtemps sur le procédé à adopter pour cela : la jeune fille lui avait tendu une perche qu'elle se ferait un plaisir de saisir.

-Donc, dit Eto pour la première fois depuis de très longues minutes de silence. Tu es venue pour avoir un démenti, est-ce bien cela ?

Alice hocha la tête, Eto éclata de rire. La stupidité de cette fille était sans fin. Les années passées avec Gina n'avaient pas corrigé ce trait.

-D'accord, je veux bien te donner ma version des faits. Mais ce ne sera pas gratuit, tu le sais, n'est-ce pas ?

Nouveau hochement de tête. Le sourire d'Eto s'agrandit. Elle s'approcha d'Alice et, d'un doigt sous le menton, la força à lever son visage vers elle, de sorte à ce que son cou soit totalement découvert, vulnérable. La jeune femme sursauta lorsqu'Eto plongea son nez vers la courbe de sa nuque, prenant une profonde inspiration. La goule ferma les yeux et émit un petit son de satisfaction. La peau d'Alice sentait le sang et l'Hiver. A cela s'ajouter une odeur savoureuse qui mettait l'eau à la bouche. Le parfum de la chair humaine. Mais ce n'était pas cela qui intéressait Eto. Non. Ce qui titillait sa curiosité, c'était cette légère fragrance plus musquée qui se détachait de l'odeur corporelle naturelle d'Alice, si légère qu'elle était presque imperceptible. La goule huma de nouveau la peau de la jeune femme. Le musc et...

-Produits chimiques, chuchota Eto. Ainsi donc tu connais Uta. Tu as de bonnes relations. Je suppose que c'est Gina qui t'a aidée à construire ton réseau.

Elle s'éloigna d'Alice et s'installa en tailleur face à elle.
-J'ai justement quelque chose à régler avec lui, minauda Eto. Et puisque je suis prête à te livrer la vérité sur ton passé, tu m'accorderais bien cette faveur, non ?

Eto lui exposa sa demande. Une longue minute passa sans qu'Alice n'esquisse la moindre intention d'accepter. La goule n'était pas inquiète, elle savait que l'humaine danserait dans le creux de sa main.

Ce fut avec une joie mesquine qu'elle vit Alice capituler.

*****

C'était une excellente journée. L'été avait frappé quelques jours plus tôt, rendant l'air sec et difficilement respirable. Le moindre mouvement était pénible, et les rues désertes étaient encore plus inquiétantes qu'en Hiver.

Eto dansait dans les couloirs du laboratoire. Loin d'être silencieux, ils étaient pourtant son endroit favori. Il y avait quelque chose de réconfortant à écouter tous ces cris, ces pleurs et ces suppliques. Ici, elle avait du pouvoir sur les gens. Ici, elle pouvait rivaliser d'imagination et de cruauté pour faire plier les esprits les plus robustes. C'était un jeu duquel elle ne se lasserait jamais, car elle devait toujours développer des techniques nouvelles pour briser les gens.

White SilenceWhere stories live. Discover now