Chapitre 31

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Ce lundi matin, je souriais en repensant à ce week end. Le dimanche, nous avions parcouru les calanques bleus turquoises autour de Marseille. C'est avec regret que nous étions retournées dans la grisaille le dimanche soir. Elle avait du rentrer chez elle, rejoindre ses enfants quand j'étais retourné chez moi ou ne m'attendais qu'un frigo vide.

Je saisis mon ordinateur, lui envoyant un message.

Comment va la fille facile ?

" Tu as mangé un clown ce matin ou quoi ? "

C'était Mathilde qui venait de débarquer dans l'Etude. Elle m'observa surprise.

" Emma ! Qu'est ce que tu as foutu ce week end ? Tu as le visage cramoisi ! "

En effet, Louise avait eu raison. Le soleil de septembre pouvait faire des ravages, et il en avait fait sur moi. J'étais démasquée.

" Euh, j'étais à Marseille ! ''

Elle s'assit devant moi me fixant.

" Tu ne m'en avais pas parlé! Avec qui ? "

Piégée.

" Avec Marie ! Ça s'est fait au dernier moment, samedi matin "

" Marie la fille là ? Pourquoi tu ne me dis jamais rien, on se dit tout normalement ! Elle travaille au FBI ou quoi ? "

Je lui souris.

" Désolé Mathilde, je te le dis, ça s'est fait comme ça ! "

" Dis moi, ça y est, on passe des petits week end en amoureuses ? " me lança t'elle en me faisant un clin d'oeil tout en sortant de mon bureau.

" Très drôle Mathilde. On profite c'est tout ! "

Mon regard s'était détourné vers mon ordinateur, je venais de recevoir un message.

Très bien.
Et toi, mademoiselle l'allumeuse ?

Nous prîmes l'habitude de nous voir régulièrement avec Louise, presque tous les deux jours durant les semaines qui suivirent, chez elle parfois, le plus souvent chez moi. Elle m'emmena également un week end dans les Alpes, dans le chalet de ses parents entre ballades, restaurants et nuit torride.
Je me laissais porter, ne réfléchissant pas à ce qu'était cette relation et surtout où elle allait. Nul part je supposai. Je me posai certaine fois la question de savoir ce que ressentais Louise, mais nous n'avions jamais eu cette discussion. Par pudeur ? Parce que j'avais peur d'avoir cette discussion et la vérité qui en découlerait ?
Par de petits sous entendus, quelques phrases, nous prouvions notre attachement. Mais quel était ce degrés d'attachement ?
Surtout, il m'était très difficile de passer plus de deux jours sans avoir un manque de Louise. J'avais un besoin viscérale de la toucher. Ce besoin de sentir, de la voir.

Ce jeudi soir, nous étions chez moi. Je devais finir un travail sur mon ordinateur, alors qu'elle décortiquait un énorme plan de ville en accumulant les chiffres sur sa calculette.

" Qu'est ce que tu fais ? " lui demandais je.

Elle se retourna vers moi, les lunettes vissées sur son visage.

" Je me tape le calcul des personnes responsables de la sécurité pour la Gay Pride de samedi tout autour du parcours ! Un pur bonheur ! "

Je fronçais les sourcils. Elle ajouta.

" Avec le vote de la loi sur le mariage pour tous, il y a de vrais risques de débordement avec des groupes extrémistes comme Civitas. Ils ont proféré des menaces. Donc je revérifie tout ce que le préfet et la police ont prévu, je ne veux aucun débordement ! "

Je lui souris.

" Et tu vas y aller ? "

" Oui, j'y vais tous les an en tant que Maire. C'est ma 10 ème figure toi ! Impressionnant non ? "

" Plus que moi vois tu, incroyable ! "

Je me rappelai alors l'avoir vu plusieurs fois à la GayPride, inaugurant le départ. J'enchainai :

" Tu vas pouvoir monter sur un char cette année vue les circonstances, je viendrais avec toi si tu veux ! '' lui lançai je avec un air taquin.

" Pourquoi pas ! " répondit elle en souriant. " Même si je ne suis pas homo ! "

Je commençais alors à lui caresser le bras, la taquinant toujours.

" Hmmm, même pas un peu ? "

Je m'approchais d'elle lui soufflant dans l'oreille.
Elle tourna son visage vers moi.

" Je suis une hétéro ayant une expérience spéciale avec une magnifique blonde aux yeux verts. "

Je me reculai, heurter de sa réponse. Le mot expérience spéciale ne me plaisait absolument pas.
Elle vit mon changement d'humeur, et tenta de se rattraper.

" Ne le prends pas comme ça Emma, je ne voulais pas vraiment dire expérience "

Je faisais la moue, détournant mon regard du sien.

" Les mots ont un sens, ça va, j'ai compris le message ! "

Elle s'approcha de moi, me saisit la main.

" Emma ! Ne fais pas cette tête .. Considère moi comme tu veux ! "

Elle posa ma main contre sa bouche. Je la retirai, me redressant.

" Le plus important Louise, c'est comment toi tu te considère.. "

Elle haussa les sourcils, visiblement fatiguée de la tournure que prenait cette conversation.

" Emma, sérieusement ! Tu veux peut être que je fasse mon coming out ce week end à la Gaypride ? Puis que tu viennes t'installer chez moi la semaine prochaine avec les jumeaux ? Que nous vivions heureuses avec beaucoup d'enfants ? "

Elle avait dit ces phrases brusquement. J'étais quelque peu sonnée, ne parvenant pas à sortir un seul mot.
Se rendant compte de sa dureté, elle se reprit.

" Je n'aime pas la direction que prends cette conversation Emma, je ne voulais pas dire les choses comme ça ... "

Mais les choses étaient dîtes, clairement.
Elle me reprit le main.

" Je dois y aller, il est déjà 21 heures.. " Elle m'embrassa avant de quitter mon appartement.

J'étais sonnée. Même si je me doutais que je n'allais nul part avec elle, cette conversation me confrontait réellement à la vérité, vérité que je ne voulais pas connaître. Je compris au fond de moi à cet instant que j'avais espérer quelque chose de plus, la possibilité d'une vraie relation avec Louise, sans me l'avouer réellement.
Je savais maintenant que ça ne serait jamais le cas.

Madame la Maire Où les histoires vivent. Découvrez maintenant