Chapitre 14

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Savana accueillit cette proposition avec une profonde inquiétude. Le cheikh s'en aperçut et déclara aussitôt ;

- Vous n'êtes pas obligé d'accepter, si vous désirez rentrer chez-vous je vous raccompagnerais.

Elle fut touchée par son ton rassurant et les possibilités qu'il lui offrait. Bien-sûr, la perspective de dormir dans cet endroit invraisemblable était alléchant. De plus le lit qu'elle avait furtivement détaillé semblait si confortable...

Elle se rappela alors des dégâts causés par le faon et son toit abîmé, laissant passer le froid d'hiver. Elle frissonna à la simple idée d'y retourner. Il fallait à tout prix qu'elle trouve une solution pour le vendre, songea-t-elle désespérément.

- Je pense que c'est équitable, répondit-elle enfin avec un peu d'assurance volée aux dernières forces qu'elle mettait de côté en cas de besoin.

Il leva un sourcil amusé et se pencha au-dessus de la table lentement...et plus son visage s'approchait plus elle se sentait enveloppé par son impérieuse puissance qui émanait de lui.

- Vous serez en sécurité, assura-t-il avec une lueur mystérieuse dans les yeux.

Bizarrement, elle le crut.

- Bonne appétit, dit-elle en prenant sa fourchette avec hésitation.

- Bonne appétit Savana.

Arik resta debout, sentant l'hésitation de la jeune Russe au visage identique à de la porcelaine. Un geste totalement surprenant prit le contrôle sur son sang-froid intérieur...de ce retrait qu'il s'employait à mettre entre eux. Il lui saisit la main qui errait sur la table et s'installa sur la chaise avec un besoin urgent de la mettre en confiance. Elle baissa son regard sur leurs mains.

- Mangez, chuchota-t-il alors en lui lâchant la main.

Elle rosit adorablement et s'exécuta.

Arik gardait sur sa paume la chaleur de sa main fine et délicate. Un désir violent naquis dans son bas-ventre. Ce soir il avait le sentiment d'avoir réussi à conquérir sa confiance...du moins une partie. Il avait beau ordonner à son esprit de la laisser partir, Arik n'y parvenait pas. Elle avait su éveiller en lui une partie de lui longtemps morte.

Tout était silencieux...volontairement silencieux. Et il s'en ravi. Aussi il décida de pas l'interrompre et la laissa manger à sa guise jusqu'à ce qu'elle comble le silence d'elle-même.

- Depuis combien de temps êtes-vous à New-York ? Demanda-t-elle en essuyant sa bouche pulpeuse.

- Depuis bientôt un mois.

- Seulement pour des vacances ?

- Pas seulement, quelques investissement par-ci par-là, répondit-il avec simplicité.

Elle se gratta l'arrière de sa nuque délicate et piqua un morceau de viande avec entrain.

- Vous retournez bientôt chez vous alors, conclut-elle créant son incrédulité.

- Qu'est-ce qui vous fait dire ça ?

Elle avala son morceau et haussa des épaules.

- Un homme de votre rang ne peut s'arracher à son pays aussi longtemps sans désirer y retourner rapidement.

Elle disait vrai. Arik commençait à s'ennuyer ici, du moins...avant qu'elle débarque dans sa vie. L'idée de retourner à Dahazar et de ne plus jamais la revoir lui était pénible, voir impossible.

- Vous avez raison, mon pays me manque.

Elle se contenta d'un léger sourire. Il imagina alors son visage sous la chaleur exotique, ses cheveux reflétant contre l'or du sable...vêtue d'une tunique révélant l'éclat azur de ses yeux. Il divaguait et s'en délecta quelques secondes avant de rapidement éloigner cette idée dans un coin de sa tête. Savana arrivait à peine à sortir de son cottage qui tombait en lambeaux alors partir à des milliers kilomètres d'ici avec un homme qu'elle connaissait à peine...

Trop tard songea-t-il amèrement, quand l'idée fut plus forte que sa raison. Arik avait pour réputation d'être déterminé. L'évidence le frappa. Comment pouvait-elle retrouver le goût à la vie si personne lui offrait l'opportunité d'essayer...ne serait-ce qu'essayer. Son physique était frêle, fermé à tout contact mais sa santé mental semblait complètement brisée. Même si elle se donnait l'air détendu, Arik n'avait pu échapper à ses coups d'œil partant sur la droite et sur la gauche...craignant un danger invisible. De ses battements de paupières rapide comme si un songe ou un souvenir trop éprouvant la fatiguait intérieurement. D'ailleurs est-ce que son psychiatre ou bien son frère savait à quoi ressemblait son quotidien ?

Une moue amère se dessina sur ses lèvres.

Elle termina son désert, épuisée. Épuisée d'avoir trié ses aliments des dizaines de fois minutieusement et Arik avait fait mine de ne rien remarquer pour qu'elle ne sente pas humiliée.

- Vous tombez de fatigue, lui fit-il remarquer ; Vous devriez aller dormir.

Elle ne protesta pas et étouffa un bâillement en récupérant sa béquille.

- Je n'avais jamais rien manger de tel, merci infiniment, murmura-t-elle en le précédant dans la chambre.

Arik s'apprêtait à faire une chose inédite.

- Et moi je vous remercie de m'avoir fait confiance, répondit Arik en tirant sur les draps fraîchement lavés pour qu'elle se glisse dans le lit.

Timidement elle s'assit au bord du lit en testant le matelas d'un léger rebond.

- C'est parfait, murmura-t-elle sans le regarder : Tout est bien fermé ?

- Tout est bien fermé, affirma-t-il en sachant pertinemment qu'elle faisait référence à la porte de sa suite ; Si vous avez peur la lumière de chevet peu se tamiser, il vous suffit de la régler.

Joignant le geste à la parole il lui montra comment manipuler la lampe. Savana en demeura bouche bée. Si seulement elle pouvait posséder un engin de ce genre chez elle pour lui éviter de dormir avec la grande lumière, songea-t-elle en répétant les gestes du cheikh pour être sûre d'avoir saisi les manipulations.

- C'est parfait, murmura-t-il en s'éloignant ; Savana, je vous souhaite une bonne nuit.

Un long frisson descendit dans son dos quand il referma les portes coulissantes sans jamais la lâcher du regard. Les portes rompirent ce regard pénétrant. De nouveau saisit d'un trouble mystérieux, elle s'allongea sur l'oreiller moelleux en se répétant sans cesse qu'elle ne craignait rien.

L'air embaumé de son parfum musqué éveilla en elle un second frisson irrépressible. Elle ferma les yeux après avoir réglé la lampe tamisée puis ferma ses yeux lourds de fatigue. Derrière les portes closes, où seuls les contours laissaient filtrer les lumières du salon, Savana rouvrit les yeux en les fixant lorsque sa voix gutturale teinté cette fois-ci d'un fort accent traversa les portes. Au lieu de s'en inquiéter, Savana ferma les yeux et tomba presque aussitôt dans un profond sommeil.

Le lendemain, alors qu'il consultait sa montre pour la troisième fois, Hamid entra dans sa suite après avoir toquer légèrement. Il but une gorgée de café en refermant son journal.

- Mademoiselle Slovovitsh dort toujours, s'étonna Hamid.

- Comme un bébé, affirma Arik qui s'en était assuré après sept aller-retour dans la chambre.

- Pauvre enfant, murmura-t-il tristement.

- Elle avait besoin de sommeil, c'était inévitable, ajouta Arik en se levant pour enfiler sa cravate.

- Quel programme avez-vous pour la journée ? S'informa Hamid.

- J'ai rendez-vous avec le Dr West et le frère de Savana, annonça-t-il en suscitant l'étonnement d'Hamid.

Dans les bras du cheikhOù les histoires vivent. Découvrez maintenant