Chapitre 64

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Savana tentait d'écouter l'avocat de Max le défendre mais elle était tellement bouleversée par le témoignage d'Arik qu'elle ne parvenait plus à se défaire de sa voix rocailleuse qui avait parlé d'elle au présent, pour montrer à la salle tous les sacrifices qu'elle avait faits pour ses enfants à naître, et de ses jambes qui la faisaient terriblement souffrir. De toutes ces choses qu'elle ne pouvait plus faire comme tout le monde. Essuyant ses larmes furtivement, elle tenta de reprendre le fil de la plaidoirie. Mais voulait-elle vraiment l'entendre ?

Avait-elle envie de l'entendre ? Entendre cet avocat défendre son client en la faisant passer pour une épouse qui aurait pu partir ?

Parfois, mentalement épuisée, Savana se demandait si cet homme avait entendu ce qu'elle avait raconté. Avait-il entendu sa peine, ses sanglots, de cette porte verrouillée, de toutes ces menaces qu'il lui avait dites pour faire pression sur elle ?

Redressa la tête, Savana décida de faire face à cette défense sans jamais faiblir devant l'accusation qui était portée sur elle, comme si c'était elle la coupable...

Lorsque ce fut au tour de maitre Mayer, Savana garda espoir. Main liée à celle d'Arik elle serra l'autre en poing contre son genou.

- Mesdames, messieurs les jurés, commença-t-elle d'une voix calme, loin d'être déstabilisée par son adversaire ; Ce procès m'a fait réaliser beaucoup de choses notamment celle-ci : Savana a survécu.

Mayer marqua temps d'arrêt.

- Mais elle aurait pu mourir.

- Cette femme n'a pas seulement subie les coups de son mari, cette femme a tenté de survivre mais il faut savoir qu'elle aurait pu mourir, ne pas être ici aujourd'hui. Son histoire n'est pas seulement l'histoire d'une femme mais de milliers.

Savana déglutit.

- Combien ? Combien est-ce qu'il y a de Savana dans le monde ? Combien de femmes subissent cette violence sans précédant ? Cette torture psychologique ? Combien sont mortes ? Et combien d'autres vont mourir ?

Les souffles dans la salle semblaient coupés.

- Nous sommes la justice, c'est à nous de faire notre travail pour que ces femmes se sentent aidées, que nous ayons des solutions à leur apporter pour qu'elles n'aient pas l'impression que le seule issue qu'il leur reste est d'accepter les coups...ou la mort. Monsieur Carozo n'a de cesse de répéter qu'elle aurait dû partir, mais est-ce si facile que ça ?

Mayer monta le ton crescendo.

- A-t-il lui-même la solution ? Une femme battue sauvagement par un homme manipulateur qui la tient fermement enfermée, sous son emprise peut-elle partir si facilement ? Va-t-on avoir l'aide suffisante pour promettre à cette femme qu'elle aura plus qu'un bout de papier qui interdit à ce monstre de l'approcher à nouveau ? Une protection sur papier qui n'empêche pas l'homme de revenir menacer cette femme ? Ou lui demander pardon ? Pour mieux recommencer ?

La bouche de Savana trembla.

- Savana n'a pas seulement été battue, ce qu'elle a vécu dépasse de loin tous les scénarios que nous nous sommes faits avant ce procès, reprit-elle fermement, il l'a séquestré, enlevé tout ce qu'elle aimait, tout ce qui l'aidait à se raccrocher à la vie. Il a tué ce fils à naître et je ne peux pas m'empêcher de me demander si cet enfant aurait survécu de toute manière. Je me demande s'il ne lui aurait pas fait subir lui aussi, le même traitement qu'il a soumis à Savana durant des années.

- Monsieur Stilling je vous remercie, poursuit-elle en s'adressant à lui ; Je vous remercie d'avoir fait appel, voyez-vous parce que la voix de votre ex-femme a enfin été entendue, elle a pu nous raconter cette violence immonde qu'elle a dû encaisser jusqu'à ce dernier soir où par la force de votre monstruosité puisée dans cette folie d'homme complexé, vous avez tenté de tuer votre ex-femme d'une manière si cruel et inhumaine que j'en ai la gorge serrée...jetée comme on balance des ordures.

Dans les bras du cheikhOù les histoires vivent. Découvrez maintenant