Chapitre IX - Lylhou

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Arachis sourit en regardant mon père s'éloigner.

– Allez, j'te parie deux trônes d'or qu'il nous renvoie là bas avec une mission d'élimination. Je dirais même plus, il nous y envoie avec un whar et un hyl [1] en renfort.

– Tenu, même si d'expérience je sais que je vais perdre. Mais bon, comme tu n'as pas d'argent et que je te paye jamais, ce n'est pas grave, rié-je en tirant la langue.

Je respire un grand coup, et fais la grimace.

L'odeur de la ville ne m'avait pas manqué. Parfum qui regroupe les effluves du pain chaud sortant du four avec le crottin qui tapisse la chaussée. Son animation non plus ne m'avait pas manqué. En effet, malgré l'heure tardive, les rues sont toujours bondées. Les gens qui rentrent chez eux après une dure journée de labeur, les gardes qui patrouillent, les commerçants qui rangent leurs étals et ferment leur magasin ou encore les aubergistes qui affichent le menu du soir. Certains sont également accompagnés d'aînés : chat ronronnant, sanglier hirsute ou libellule géante...

Je n'ai jamais aimé la thesi, comme dirait ma sœur, et elle non plus d'ailleurs. Ce qui nous offre un point commun supplémentaire qui nous amène à ne jamais rester très longtemps dans ces bourgades puantes et bruyantes.

Mon regard se pose sur Arachis, assise, les yeux mi-clos, qui attend patiemment que mon moment d'égarement se termine. Sans même m'en rendre compte, une risette illumine mon visage.

– Bon, t'as fini de rêvasser ? claque-t-elle tout à coup, comme si elle avait senti mes prunelles la caresser.

– Euh oui... Oui.

– Où veux-tu aller ? grogne-t-elle.

– Aux thermes naturellement ! m'exclamé-je, avec un sourire d'oreille à oreille. On se retrouve à l'Épée Brisée ?

– Ça m'va.

L'araignée s'éloigne alors mollement, grimpe sur un mur sans bruit et disparaît au-dessus des toits.

Les thermes publics sont interdits aux aînés. Ces derniers se débrouillent avec le lac, qui ceinture l'Île de Pierre, pour peu qu'ils aient la nécessité de se laver.

La mine réjouie, je me dirige donc vers l'établissement d'ablution en fendant la foule avec vigueur.

Situés dans le Quartier des Marchands, au niveau des souterrains qui s'étendent sous les étages supérieurs, c'est l'endroit idéal pour se détendre après une longue mission comme celle que je viens de terminer.

Mass'Kiria est constituée de quatre grands quartiers répartis sur trois paliers. Au rez-de-chaussée de l'île, si je puis me permettre cette métaphore, se trouve le Bas-Quartiers, à l'extérieur des remparts, et le Quartier des Marchands, à l'intérieur. Le premier des deux regroupe les docks, les tavernes de petites monnaies, les bordels et les entrepôts. Le second abrite quant à lui les artisans, les échoppes et les places dédiées au commerce. Le second quartier, au « premier étage », est appelé le Grand-Étage, et c'est le plus vaste de tous. Il accueille la majorité des habitations et des auberges pour les voyageurs. Enfin, le dernier étage, quant à lui, accueille l'essentiel des bâtiments administratifs de Mass'Kiria, les résidences cossues des riches marchands de la région et les sièges des principales guildes de raideurs de la région : les Poussières d'Étoiles, le Conclave des Ombres, les Alchimistes – qui contrairement à leur nom sont bien des aventuriers et non des artisans – , les Rêveurs de Jade et, bien sûr, nous, les Aurores Éternelles. Évidemment, je ne vous ai énuméré que les structures les plus importantes. Des dizaines d'autres guildes moindres vivent également dans la cité, ou ses alentours. En effet, certaines n'ont pas les moyens financiers de s'établir en ville et s'installent au milieu des villages de la Grande Vallée, ou tiennent un petit atelier ou un petit bureau sans prétention dans les Bas-Quartiers.

La Rôdeuse de la Mer et du FeuWhere stories live. Discover now