Chapitre XXII - Arachis

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L'après-midi touche à sa fin lorsque nous arrivons en vue de l'aubergeresse du Poney Royal. Ce n'est pas la première que nous croisons, mais celle-ci sera la halte de mes baltringues de compagnon pour la nuit.

Dans la cour, protégée par de hauts murs de pierre et de bois, s'affairent plusieurs garçons d'écurie qui courent dans tous les sens pour s'occuper des bêtes, du fourrage et de l'eau. La bâtisse est composée d'un imposant bâtiment principal, avec les cuisines, la salle de restauration et les chambres, et de nombreuses annexes : une forge, une grange et divers ateliers plus modestes. Il y a également un puits, alimenté par le canal qui longe la route, et qui dessert des abreuvoirs et des lavoirs. Des gardes surveillent les allers et venus des personnes présentes, les uns patrouillant sur le chemin de ronde, en haut des murailles, les autres postés à l'entrée devant les lourdes portes qui clôturent l'aubergeresse.

L'un d'eux vient accoster ma sœur.

– Bonne soirée, voyageurs.

Elle lui répond, en inclinant la tête de courtoisie.

– Bonne soirée, sentinelle. Nous désirerions trois chambres pour la nuit, s'il vous plaît.

Le vigile la salue.

– Je vous invite à aller voir le patron, là-bas. C'est un petit monsieur barbu, explique-t-il en désignant du menton la plus grande des bâtisses. Passez aux écuries pour vos montures. Bonne soirée.

L'homme s'approche ensuite un couple derrière elle tandis que nous nous engageons et traversons la cour. Après avoir déposé leurs trois chevaux à un jeune phénix un peu bedonnant, mais gentil – et appétissant – , nous nous dirigeons vers l'auberge. Lylhou pousse la porte et aussitôt le fumet de la nourriture chaude sortant des cuisines envahit mes sens.

Bon, j'vais pas vous faire un cours de biologie, mais les araignées n'ont pas de narines à proprement parler. Mais vous inquiétez pas, nous percevons quand même les odeurs et les phéromones par d'autres moyens.

La pièce est vaste, chaleureuse, avec un haut plafond aux poutres apparentes où pendent de vieilles toiles d'araignées des maisons – que je m'empresse d'aller saluer d'ailleurs. Un feu brûle dans une cheminée sur la droite où d'immenses bûches flamboyantes se tassent légèrement, en faisant jaillir une fontaine d'étincelles. Au fond de la salle de réception se trouvent un bar et l'escalier qui mène aux chambres à l'étage. L'atmosphère est guillerette : plusieurs bardes chantent pour diverses assemblées, les chopes s'entrechoquent et le bruit des cuillères et des couteaux résonnent dans les assiettes de terre cuite.

Ma sœur cherche du regard le petit bonhomme barbu, et le déniche, affairé, derrière un pupitre, sur un tabouret qui semble bien trop grand pour lui.

– Bonsoir, patron. Nous désirons trois chambres simples, pour mes compagnons et moi-même.

Chétif, menton pointu avec une barbiche mal taillée, teint hâlé à la limite du sale, yeux étroits, l'aubergiste phénix, assez âgé, la dévisage d'un œil rond.

– Oui, oui, j'dois avoir ça, dit-il rapidement en feuilletant ses papiers. Oui, voilà.

Il se retourne, prend des clés et les lui tend.

– Deuxième étage : troisième, quatrième et sixième porte à droite. Le repas est en train d'être servi. Si vous voulez une gamelle, dépêchez-vous d'aller réserver un siège. Bonne soirée.

La rôdeuse les saisit et le remercie, mais il ne l'écoute déjà plus, son attention s'étant reportée sur la liasse de feuilles entassée sur son bureau.

– Allez, allons trouver un endroit où poser nos fesses, s'exclame-t-elle en désignant du doigt, pour ses camarades, les grandes tables qui trônent dans la salle.

La Rôdeuse de la Mer et du FeuWhere stories live. Discover now