Chapitre XXXVII (Partie 2) - Okamy

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Avant de franchir les portes pour rejoindre ma mère dans la salle du banquet, Orimy m'arrête et me tend un petit bracelet de laiton.

– Tu devrais le garder, Orimy. Je n'ai que faire des bijoux ornementaux.

– Celui-la vous fera penser à moi.

Elle sourit tendrement.

– Regardez-le à chaque fois que vous sentirez seule, d'accord ?

Je lui rends sa risette et l'embrasse sur le front avant de l'enlacer et de lui murmurer un merci sorti du fond du cœur. Puis, séchant une larme naissante, je m'élance vers mon destin funeste d'une démarche que j'espère altière malgré le poids de la peur sur mes épaules.

Le dîner se passe sans un mot de ma part. En dépit des remarques de ma marâtre, je me tais et accuse le coup. Je ne peux cependant m'empêcher de, parfois, chercher une lueur d'espoir dans les yeux cruels du prince, mais je n'y lis que du mépris à mon égard. Nombre de fois, il me regarde avec un sourire affamé. Même si face au monde, je serais sa supérieure, dans notre intimité, il sera mon bourreau, car je ne pourrais pas l'écarter de ma vie avant d'avoir eu une fille...

Par delà les immenses baies vitrées qui donnent sur l'extérieur, j'aperçois les lunes atteindre leur zénith. Mon assiette à dessert est vide et le repas terminé. Au fond de moi, le glas de mon destin résonne.

Je me lève, sans mot dire, et me dirige vers mes appartements. Joffrin ne me suit pas. Il veut sans doute me laisser du temps pour me préparer...

Dans le couloir, Orimy m'attend. Elle s'élance sur mes talons et m'ouvre la porte une fois sur son séant. Prenant une grande inspiration qui me soulève les épaules, je pénètre dans ma chambre, qui sera pour moi, cette nuit, les enfers.

La fenêtre est ouverte et un petit courant d'air frais me cueille et me fait frissonner. Je m'approche du battant et le referme, les yeux dans le vague et légèrement embrumés.

Je me retourne et m'adosse contre la vitre froide en serrant les dents. Orimy me regarde avec compassion.

Elle tient dans ses mains une nuisette si courte qu'elle serait bien inutile si sa fonction était de voiler mon intimité. Dans d'autres circonstances, je l'aurais trouvé belle. Mais ce soir, elle me parait simplement être un horrible costume que je me devais de revêtir avant de passer à l'acte.

Elle fait un pas vers moi. Je lis la détresse de son impuissance dans ses iris verts, et un minuscule sourire étire un instant mes lèvres.

– Merci Orimy. Heureusement que tu es là.

Un toc-toc résonne à ma porte.

Mon cœur se noue.

– Faites entrer, Orimy, dis-je d'une voix mourante en abaissant les yeux au sol, écrasée par une sourde terreur.

Je me retourne vers la fenêtre.

– Le Prince Joffrin, fils de Jirfrin, reine des Royaumes de Blanche-Combe, troisième du nom et matrone des Ailes-Tempêtes, annonce-t-elle en faisant la révérence et en introduisant le nobliau.

Le séraphin pénètre dans la pièce sans même lui décocher un regard. Il s'avance vers moi. À grande peine, je me force à ne pas tourner la tête et fixe mes prunelles sur l'horizon, aussi loin que je le peux.

Je le sens se placer derrière moi. Son souffle chaud étreint ma nuque dans une vapeur d'horreur. Que vais-je faire ?

Avec force,il pose ses mains sur ma taille, me fait pivoter sans ménagement et me plaque contrelui. Aussitôt, il me saisit le menton dans une poigne glaciale et m'embrasse. Ses lèvres sont froides comme la pierre.

La Rôdeuse de la Mer et du FeuWhere stories live. Discover now