T O K Y O

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𝗘𝗡 𝗙𝗔𝗜𝗧, je n'aimais pas trop la pluie

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𝗘𝗡 𝗙𝗔𝗜𝗧, je n'aimais pas trop la pluie. Mais il me manquait du tabac alors j'étais bien obligé de sortir en acheter. L'odeur de la pollution sur le bitume reprochait chacun de mes pas en direction de l'épicerie la plus proche.

Le vieux japonais à moitié endormi me donnait un paquet en baillant le prix, mes cheveux en bataille noyés sous ma capuche, je le remerciais sans plus de conviction.

En sortant dans la ruelle sombre, le monde me paraissait si ocre. Par défis, j'essayais quand même d'allumer ma clope sous le martèlement de l'eau incessant.

Plus loin, un point de lumière attirait mon attention d'habitude si lasse.

Je la voyais. Debout sur une chaise rouillée, l'eau dégoulinait au bout de ses cheveux aux boucles sauvages, ceux-ci colorés grâce aux bombes de  peinture aux milles tonalités qui vivaient en dessous de sa chaise. Sur la pointe des orteils, un tube de peinture en main, elle redonnait vie à cette ville brumeuse de mépris. Alors que la population avait un taux de suicide impressionnant, un sourire inoffensif embrassait ses lèvres rosées par le gloss. Ses iris déterminées aux couleurs du ciel brûlaient tout sur leur passage. Sur ce mur raide, elle étalait son utopie. L'air battait devant un tel charisme.

Tout le monde était impressionné, sauf les êtres humains.

Ces éternels affamés de rangement dans leurs vies fade ne comprenaient pas ce que voulait dire être libre.

“– Tu as vu son uniforme! C'est celui du lycée d'à côté, non?

– Elle n'a pas honte de faire ça?

– Je plains réellement sa mère.”

Alors, au milieu de ces imbéciles, j'attrapais une couleur au hasard, cigarette dans la bouche et j'écrasais mes pensées à côté des siennes. Elle se stoppait dans son œuvre pour observer mes gestes brusques.

Si cette fille au éclat de différence était folle, alors je voulais être un fou aussi.

Je crois bien que quand j'ai croisé ses perles enflammées, mon cœur s'est consumé. Elle paraissait étonnée, ses iris se dilataient, ça permettait de voir mon reflet dans ses prunelles luisantes comme celle d'un aigle royal qui vous regarde comme à son égal.

J'étais le contraste ombré et elle le halo lumineux de cette peinture. On avait conclu un marché.

Je me suis donc appliqué, narrant dans un silence assourdissant toutes les révoltes qui logeaient dans ma tête. Je voulais qu'elle sache. Qu'elle sache que moi aussi, je pensais comme elle. À deux, c'était plus facile. On se fichait des gens qui médisaient en nous détaillant. De temps à autre, je laissais s'échapper une fumée de nicotine sur la peinture encore dégoulinante qui donnait une âme à ce mur. Debout du haut de sa chaise, son art à elle s'étendait au-delà de ce que je pouvais lui offrir, c'était impressionnant. Les couleurs jaillissaient de son pinceau pour aveugler mes prunelles trop habituées au noir complet.

Elle avait terminé, le bâton de son outil entouré dans ses doigts fins,  elle plaçait malicieusement ses mains derrière sa jupe pour observer son travail.

C'est exactement à ce moment-là qu'un rayon de soleil pointait le bout de son nez pour glisser aux travers de la rue.

Son dessin éclaboussé de pâquerettes et d'herbe fraîche prenait feu grâce à ma fresque. Les bouts de ses phalanges lissent les flammes que j'ai dessinées. Ces flammes qui détruisent son monde euphorique.

Je remarquais les particules de peinture sur son visage de poupée et sa crinière indomptable. Une moue innocente caressait sa peau porcelaine et son petit nez, elle gonflait les joues en reflétant une expression enfantine. Son teint éclatant se confondait parfaitement au soleil. Elle enroulait une mèche de ses cheveux dans un de ses doigts, les yeux scintillants.

Puis sans crier gare, elle plongeait les poils de son pinceau dans une couleur qu'elle n'avait pas utilisé : le bleu azur.

D'un coup rapide, elle le passait sous mon nez de sorte à ce que les cendres que j'avais placées soient barrées d'une trace myosotis.

De ma manche, j'essuie une goutte océan qui a taché mon nez suite à son geste.

Je ne comprenais pas le message.

Mais nous n'avions pas le temps d'en débattre puisque les pigments sales des fards de police venaient assombrir notre œuvre.

Nos deux paires de yeux colérique balançait froidement nos regards dans leur direction.

Ça me saoulait.

Ils nous interrompaient alors que notre conversation muette prenait un tournant plus qu'intéressant.

-𝙻'â𝚖𝚎 𝚟𝚊𝚐𝚊𝚋𝚘𝚗𝚍𝚎, 𝚁𝚒𝚗.

ueno Where stories live. Discover now