R E S P I R E

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Après ce mélange de souffle intense, mes yeux lui réclamaient des explications. Encore et toujours plus d'explications.

— Pas ici.

Si il y a bien une chose que j'appris avec le temps, c'est qu'Ueno se cache des regards quand elle ne joue pas avec les mots pour se mettre à l'abris derrière eux.

C'était étrange comme sentiment. Ce mélange de son âme qui humidifiait encore mes lèvres, nos vêtements fins sous la pluie, l'endroit où elle avait emporté mon poignet. Ça ressemblait méchamment à un souvenir, à quelques éléments près.

— À partir d'aujourd'hui, je serai ta coach.

Rien que l'idée m'effrayait, je m'abstenais de lui faire savoir puisqu'elle savait.

C'était agaçant. Ueno savait tout de moi. Mais moi rien d'elle.

— Tu peux être ma coach à une seule condition.

— Laquelle?

—Je veux que tu me dises tout.

— Tout?

— Oui.

— Si je fais ça, tu reprendras vraiment la boxe?

— Oui.

—Jure le.

Une brise violente tranchait ses maux.

— Je te le jure.

— Alors c'est d'accord.

Ce que je ne savais pas, c'est que tout me dire revenait à faire gicler une veine noire d'histoire dans ses paroles. J'appris plus tard que ça lui importait peu. Tant que je reprenais ma vie en main, elle était prête à n'importe quoi pour me revoir courir en bas de l'hôpital.

Oui, quand elle décidait enfin d'en parler, c'est par là qu'elle débutait le tout.

C'était une mauvaise après-midi d'automne, le jour de sa première crise de paralysie. Pour moi, ça équivalait au moment de ma punition pour avoir sécher le cours de boxe, la veille. Ce n'était pas de ma faute, j'avais un rendez-vous avec une fille.

Des poids étaient accrochés à mes tibias. Les cieux se disputaient sûrement car les nuages versaient toutes les larmes de leurs corps. Un peu comme aujourd'hui.

La pluie avait une odeur de défis pour moi, à l'époque. Pour Ueno, c'était celle de l'ennui. Les événements qui se produisaient par la suite échangeaient nos visions comme si je lui passais mes verres de lunettes et elle les siens.

Sauf que notre vue était limpide, nous n'avions pas besoin de lunettes. C'était à nous de choisir notre vision, mais ça, on ne l'apprend pas à l'école, n'est ce pas?

C'est donc sous les ricanements d'Airi qui me cherchait des noises confortablement à l'abris que je courrais sur le chemin en bas de l'hôpital, là où j'exerçais mon footing quotidien.

Et en haut, aux quatrièmes étages, tombait sous le charme de mon sourire carnassier, le cœur d'Ueno.

C'est par là que débutait le tout de moi, mais pas le tout d'Ueno. Sa fierté se déshabillait en me disant tout ça mais c'était pas assez.

— Qui est Airi pour toi?

— Un ami.

Quelle ironie.

— Pourquoi tu as tabassé Airi, Rin?

En fait, je ne l'ai pas juste tabassé. Je lui ai arraché son honneur et le pire sûrement, c'est que je n'arrive pas à regretter. Ça sonnait presque cliché le ; « je suis pas un mec bien ».
Cliché mais si vrai.

— Comment tu peux m'apprécier?

Elle semblait réfléchir alors que la réponse semblait évidente dans sa tête.

— Dis moi, Rin. Qui est Edo?

Ah. Sa thèse improvisée.

— C'est l'ancien nom que possédait le Japon.

Celui qui était plus sage.

—Et selon toi, que veut dire « respire, Edo »?

Je mettais une pause dans notre dialogue, juste le temps de lever la tête vers le ciel qui chialait.

Réponds Tokyo, pourquoi tu pleures?

Je fermais les yeux pour apprécier le temps passé en sa compagnie et pour essayer de me rappeler si il m'avait déjà chuchoter la réponse. Mes paupières s'ouvraient dans un sourire vainqueur.

— Ça représente le regret, celui dont tout le monde connaît la provenance mais personne n'arrive à lui dire quoi faire.

La flamme de ses prunelles se rallumait pour les faire fondre de tendresse.

— Et donc?

— Edo regrette ce qu'il est devenu. Lui et sa population qui erre sans but ni foi en ses valeurs d'antan.

—C'est pour ça.. Elle laissait tomber sa phrase sur le sol.

— C'est pour ça quoi?

Le sujet et le verbe se séparaient à mes pieds, il ne manquait plus que le complètement.

— C'est pour ça que je t'aime.

Une bouffée d'air frais emplissait mes poumons. Elle liait ses doigts dans son dos, gênée.

— Tu risques d'avoir froid ici, je lui rappelais en m'approchant de ses tremblements.

— Ça risque pas, j'ai des bouffées de chaleur.

Elle n'arrivait pas à en rajouter plus car le moment me semblait opportun pour attirer délicatement l'arrière de sa tête vers ma poitrine.

— Moi aussi, je t'aime.

Quelque part dans le bâtiment, sûrement au quatrième étage, un bouquet de fleurs dans les bras, quelqu'un nous toisait.

Ce quelqu'un était dangereux pour nous deux.

Très dangereux.

Mais ça, ni elle ni moi ne le savions.

- 𝚁𝚒𝚗, 𝚕𝚎 𝚐𝚊𝚛𝚜 𝚍𝚘𝚗𝚝
𝚕𝚎 𝚋𝚘𝚗𝚑𝚎𝚞𝚛 é𝚝𝚊𝚒𝚝 𝚎𝚗𝚟𝚒é

ueno Where stories live. Discover now