D e u x

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Je sens mes jambes me piquer, mes muscles se raidir, mon coeur se contracter. Je reste un moment devant ce tableau. Ce tableau. Cette toile, n'était-ce pas un peu notre bouée ?

Tu te souviens ? Ce matin d'avril. Il faisait froid. On sentait encore sur notre peau le souvenir de la neige qui s'efface doucement. On s'est regardés. On s'est dévisagés.

Ce n'était rien. Rien... C'est drôle, comment ce mot résonne dans mon esprit. Raisonne, même. Et pourtant.

Y a-t-il une raison à tout ça ?

Le temps passe vite. Je crois qu'à force d'attendre les miracles, on finit par perdre même cette chose si précieuse. Les miracles, tu aimes ça. Moi, non. Mais avec toi, j'ai fini par y croire. Je me dis que c'était sûrement la plus grosse connerie de toute ma vie, et aussi la plus belle.

Je vois l'image de tes lèvres — beaucoup sur celles des autres et un peu sur les miennes, de ton corps face aux tempêtes de l'existence, de tes yeux qui défient l'océan et le néant du ciel. J'ai peur du ciel. Il m'appelle trop souvent. Il occupe toutes mes toiles, tous mes dessins, tous mes mots, mais surtout tous mes silences.

Je crains le silence. Tu m'as offert sur un plateau d'or cette phobie.

Les mots qu'on aime finissent toujours par se perdre au milieu des étoiles.

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