V i n g t

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— Puisque tu es si sûr de toi, pourquoi ne poserais-tu pas le coup ultime ?

— Oh, ça va... Tu sais, ça ne presse pas. Je vais y arriver. Je n'ai qu'une mission. Les émotions en moi ne peuvent pas le faire. Si ce n'est pas parfait, le pont que j'incarne aura failli à sa mission.

— Tu retardes l'échéance. Regarde-toi... T'es terrifié. Tu trembles comme une feuille morte.

— La ferme... La ferme ! Personne ne peut comprendre cette foutue mission ! Personne ne pourra jamais comprendre !

— Personne, vraiment ?

— Personne !

— Ne me dis pas que lui ne le comprendrait pas.

— Il n'a pas besoin de le comprendre. Il l'accepterait.

— Il essaierait de te comprendre. Et en l'acceptant, il irait au-delà de la logique. C'est ça, l'art, non ? Dépasser la logique.

— Peut-être... Alors pourquoi est-ce si compliqué ?

— Je te l'ai dit : tu as peur.

— Peur de finir une oeuvre ? J'en ai achevées plein d'autres. Je n'ai jamais eu peur.

— Tu as peur de terminer ce voyage.

— Je sais que ce voyage représente beaucoup : pour moi et pour lui. Pour nous. Comment pourrais-je être terrifié d'achever ce voyage ? Au fond de moi, je l'ai voulu. Il n'y a rien de mieux que de réaliser ce qu'on souhaite... non ?

— Tu aimerais qu'il dure. Lui dire au revoir est compliqué. Ce n'est pas de voir la fin d'un voyage qui est terrifiant, c'est de se retourner et de contempler qu'au loin, la route s'efface.

— Je... Je ne veux pas le quitter... C'est tellement dur. Bordel, ça n'aurait jamais dû avoir lieu... Pas comme ça. Pas maintenant. J'ai tellement la trouille de me retourner et de me dire : ça y est, c'est fini. De me dire qu'un jour, tout sera derrière moi, et qu'il me faudra quand même avancer. Que son image disparaisse. Qu'il ne reste que des bribes de cette expérience.

— Il continuera à exister. Là.

— Dans ce pinceau ?

— Non, idiot. Dans ton art.

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