S e p t

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Je me souviens parfaitement de notre première rencontre. Les premières fois sont toujours curieuses : on tâte, on se laisse convaincre, on hésite, on recule puis on avance encore, on tend une main pour surmonter le sol aussi cabossé que les âmes solitaires.

Aimes-tu laisser cette impression à tous ceux qui croisent ton chemin ? Ou est-ce juste moi ? Mon coeur n'a pas battu plus vite. A vrai dire, tu m'as fait une sale impression. Enfermé dans ta perfection, ton petit sourire craquant, tes lèvres à la teinte carmin qui soulignaient ton regard de jade, tu avais l'air impossible à atteindre, comme un ange aux ailes blanches figées.

Tu es arrivé, sans craindre ni la pluie ni le temps qui passe. Tu as débarqué dans ma vie comme dans cet atelier d'arts plastiques : avec élégance, tu as ouvert la porte et tu t'es imposé sans attendre l'avis de quiconque.

Tu avais cet air des grands jours, comme si tout t'était acquis sans même que tu n'aies à lever le petit doigt. Et pourtant, dans ton regard, logeaient les peines de tous les tourmentés du monde. 

C'est peut-être ce petit air supérieur dû à ceux qui ont vaincu l'univers et bravé leur destin qui fait poser les yeux de tout le monde sur ton corps et suscite l'admiration.

Moi, ça m'a profondément énervé.

Je ne sais pas pourquoi : jalousie ? Haine ? Ou avais-je juste aperçu ta véritable image, au-delà de ce masque que tu portais ?

Je savais ce que les gens pensaient de toi, et j'étais assez d'accord avec eux, au début : pour moi, tu étais le garçon le plus superficiel du monde.

Mais quand nous avons appris à parler, quand nous avons confronté nos solitudes, alors ce n'était plus vraiment le même adjectif qui me venait en tête.

Tu restais toujours celui qui traversait la salle d'un pas assuré, qui s'installait au milieu des autres non pas pour faire de l'art comme on l'entend mais pour faire celui que tu voulais, celui qui, comme au premier jour, a posé son manteau et a attrapé avec tant de fermeté ton pinceau que je savais que tu avais un message à faire passer.

Oui, je crois que, ce qui m'a le plus déplu chez toi ce jour, ce n'était pas ta superficialité.

Tu étais artificiel.

Et au fond, peut-être que je le suis. Même plus que toi.

ArtificielsWhere stories live. Discover now