6/ Entre Ciel et Terre

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« Plus vite ! », cria Rafale Hurlante, hilare devant l'air épuisé de son élève.

Tous deux couraient comme des fous dans la lande, bondissant et volant avec les oiseaux.
Jamais Nuage d'Azur n'avait vu un chat aussi rapide que son mentor : elle semblait tout bonnement avoir des ailes à la place des pattes.
Il était loin derrière la femelle tigrée et s'efforçait de maintenir l'allure.

« Laisse ton corps libre, arrête de penser et vole ! », lui disait-elle, perchée en haut d'une dune.

Le vent frais et violent l'enveloppait et le poussait, ébouriffant son pelage éclatant sous les rayons du soleil.
La butte où était installée Rafale Hurlante était très haute et particulièrement pentue: l'ascension promettait d'être ardue.
Bientôt, Nuage d'Azur parvint à la rejoindre, éreinté mais fier de sa performance.

Le paysage qui s'ouvrit devant ses yeux ébahis était renversant, c'était trop pour un seul chat.
Où que son regard se pose l'horizon paraissait sans fin, sans limites, absolument infini.
Comment les autres clans pouvaient-ils se passer de voir le ciel dans toute sa majesté ?
Ce sentiment de pure liberté qui le prenait aux tripes, qui lui donnait envie de courir à nouveau avec plus d'énergie encore et cela jusqu'au bout du monde, il ne pouvait pas vivre sans, il ne pouvait plus.

Rafale Hurlante était loin d'être aussi euphorique que lui : bien assise, la queue enroulée autour des pattes et les yeux mi-clos, elle semblait presque endormie par la mélodie persistante des bourrasques et le cri insistant d'un faucon.

Au loin vers l'Ouest se dessinait une forêt, en direction du Sud-Est les plaines s'étendaient à perte de vue et au Nord, en pente, il pouvait voir une entendue d'eau scintillante.

« La forêt que tu vois représente le territoire du clan du Tonnerre et devant toi, tu peux observer une partie du lac pour les assemblées, ainsi que les terres des chats de la Rivière. Si tu regardes bien, au fond, se dessine la pinède du clan de l'Ombre, collée aux bois du Tonnerre, lui expliqua posément son mentor.

- Toute la lande est à nous ? demanda-t-il, intrigué.

- Oui et non, tout ce qui a été exploré est à nous mais nous évitons d'aller trop loin; ce territoire est déjà immense et suffit amplement à nos besoins.

- Comment les autres chats peuvent-ils ne pas voir le ciel ? C'est atroce !

- Pour toi oui, ça l'est, mais nous sommes tous différents. Un chat du Tonnerre ne pourra pas se passer de plonger ses griffes dans l'écorce d'un chêne et des senteurs de l'écureuil. Un chat de la Rivière, quand à lui, ne pourra vivre sans sentir l'eau sur ses pattes et le poisson frétillant dans sa gueule. Sans oublier les félins du clan de l'Ombre, qui ne souhaiteront jamais partir loin du tapis d'aiguilles qui recouvre leurs terres et de la douce pénombre qui les enveloppe, se justifia la lieutenante.

- Mais si nous étions pareils nous pourrions vivre ensemble ! Plus de guerre, plus de sang, plus de larme... mais du gibier à volonté et de toutes sortes, ce serait fantastique !

- Ce serait surtout impossible, dans le sens où, justement, nous ne sommes pas pareils. C'est nos différences qui définissent qui nous sommes et qui forgent notre appartenance à un clan. Bien que similaires nous ne sommes pas identiques et c'est ce qui fait la beauté de tout un chacun. Alors oui, il y a des affrontements, parfois des combats stériles, mais qui sont toujours là pour renforcer notre indépendance et notre identité profonde. Les chats qui changent de clan par amour finissent toujours par être malheureux ou nostalgiques car leur vie d'antan leur manquent, ce qu'ils étaient leur manquent. Quoi que nous disions, nous restons toujours ancrés à nos origines et surtout, profondément soudés à nos souvenirs »

LGDC ~ Une Dangereuse Sérénade ~  I. RancœurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant