LGDC ~ Une Dangereuse Sérénade ~ I. Rancœur

7/ Espoir et Énigme

Le soleil s'élevait à l'horizon et ses doux rayons éclairaient le vert profond des pins, leur donnant ainsi une palette de nuances jusque-là insoupçonnées.
Les pies jacassaient joyeusement entre les aiguilles acérées, bien trop hautes pour être des proies potentielles !
Le ciel, sans nuage, apparaissait comme une large et infinie surface bleue dépourvue d'imperfection.

Le camp grouillait de vie, ça et là des patrouilles partaient... lieutenant, chef et vétérans criaient des ordres aux novices et aux jeunes combattants. Les chatons s'agitaient déjà et les anciens commençaient à râler !
Au milieu de cette agitation ambiante, Nuage d'Obsidienne s'entrenait avec Langue de Vipère sur la suite des événements :

« Tu t'occupes des anciens aujourd'hui. »

La nouvelle était sans surprise pour Nuage d'Obsidienne mais aujourd'hui elle en avait assez... Langue de Vipère ne pourrait pas l'enfermer au camp éternellement !

« Encore ? C'est le troisième jour de mon apprentissage et je n'ai rien fait d'autre que de m'en occuper, tenta de lui rappeler Nuage d'Obsidienne.

- Ça te pose un problème ? feula Langue de Vipère, irritée par la soudaine audace de son élève.

- Oui.

- Pardon ? cracha-t-elle, ses yeux féroces amincis en deux fentes.

- Que je sache, Étoile Ténébreuse a levé ma punition lors de mon baptême de novice.

- Que je sache, je suis ton mentor et c'est moi qui décide ce que tu fais et quand tu le fais ! »

Sans lui laisser le temps de répondre, Langue de Vipère lui tourna le dos et se joignit à une patrouille de chasse.
Dépitée, la petite chatte noire fut tentée de retourner se coucher, mais au fond, elle savait bien que ce n'était pas la solution.

Nuage d'Obsidienne secoua la tête de dépit : elle en avait marre. Marre de son clan, marre d'elle même, marre de se battre pour être acceptée par des chats qui, malgré tous ses efforts, s'étaient déjà fait une image de sa personne.

Et si elle partait ? Partir pour une vie d'aventures, de découvertes et de voyages... une vie de solitaire. Et pourquoi pas après tout, c'était une vie comme une autre. Une vie sans devoir subir les regards méprisants et les remarques cinglantes, une vie où les ordres et les exigences n'existeraient pas, une vie où elle serait sa propre chef... Étoile d'Obsidienne, meneuse du clan de l'Obsidienne !

Elle banda ses muscles et bondit sur la première branche d'un grand pin situé à l'orée du camp, un peu de tranquilité lui ferait le plus grand bien.
C'est le cœur lourd qu'elle s'assit sur le rameau à l'écorce sombre et rugueuse, le cœur lourd que ses griffes s'y enfoncèrent avec colère et regret.

« Vous finirez bien par vous entendre. »

Nuage d'Obsidienne se figea, elle n'avait jamais entendu cette voix, ou plutôt, cette voix ne s'était jamais adressée à elle en particulier.

« Vraiment ? » grogna la novice, le regard obstinément braqué devant elle.

Une fourrure qui jusque-là ne l'avait jamais touchée s'installa à son côté, frôlant son épaule.

C'était une fourrure identique à la sienne : plus noire qu'une nuit drapée de suie lors d'un incendie.
Une fourrure chatoyante sous les reflets du soleil et mêlée d'argent sous le regard de la lune.
Une fourrure qu'elle avait admirée étant jeune, une fourrure qu'elle avait souhaitée sentir près d'elle.
Elle en voulait à cette fourrure de ne jamais l'avoir défendue, de l'avoir laissée seule, de l'avoir d'une certaine façon abandonnée.
Pourtant elle l'aimait cette fourrure, elle aimait sentir sa présence, elle aimait découvrir ses subtiles fragrances boisées.
Elle l'avait tellement imagé cette fourrure, maintenant qu'elle l'avait un sentiment de joie et de peine lui étreignait le cœur, elle n'arrivait pas à la haïr.
Au fond, elle savait que cette fourrure l'avait toujours observée, qu'elle s'y était juste mal prise mais avait tenté de veiller sur elle.
Elle ne pouvait pas se mentir elle aimait cette fourrure... elle aimait son père.