Purple

Chapitre 2

Le bâtiment de la caste dirigeante était une immense tour s'élevant dans le ciel et semblant presque percer le nuage de particules voilant le soleil. Faite de ciment gris, deux grands yeux taillés dans l'édifice et peints de violet semblaient observer et surplomber toute la ville. Personne ne savait si les yeux voyaient vraiment quelque chose et veillaient sur la ville ou s'ils étaient aveugles, juste là pour la symbolique, et personne n'avait trouvé utile de poser la question.

C'était dans ce bâtiment qu'Alix s'était précipité à la suite de l'erreur de son jeune soldat. Il avait donné son rang et son ordre aux gardiens, avant d'exiger de voir immédiatement les dirigeants. Les gardes l'avaient alors conduit dans l'ascenseur et l'avaient annoncé dans un intercom. Les portes s'étaient alors fermées et, quelques secondes après, il était au dernier étage de la tour, au-dessus des yeux. Il sortit aussitôt, essayant de garder son calme en respirant lentement. Ce n'était pas le moment de se laisser aller. Il était le chef des Chiens certes, mais avant tout un Yeux-Violets. Il devait le respect aux dirigeants.

« Messieurs dames, je viens vous faire mon rapport. »

Il s'était incliné en entrant dans la salle de réunion. Plusieurs tables disposées en U se trouvaient devant lui et autour de ces tables les dirigeants, les leaders des Yeux-Violets. Ils étaient dix hommes et dix femmes, tous étant les plus âgés de leur peuple. Ils avaient du charisme, une prestance menaçante ; tous les respectaient comme des vétérans, des meneurs.

L'homme en face de la porte et donc d'Alix lui sourit. Il était inscrit comme le numéro 1 du conseil, celui qui avait tout commencé, Néo. C'était lui qui avait eu l'idée du tout nouveau système pour rétablir un ordre et une société parfaite.

Néo se leva, ses cheveux grisonnants sur les tempes impeccablement plaqués en arrière, et prit la parole ;

« Très bien général, nous vous attendions. La nuit a-t-elle été purificatrice ?

-Oui monsieur.

-Combien de pertes chez les Yeux-Morts ?

-Trois monsieur.

-Seulement ? S'offusqua une voix à sa droite. »

Alix hocha poliment la tête en se tournant vers la numéro 13 qui semblait grandement insatisfaite. C'était une bonne femme acariâtre qui buvait toujours un liquide épais impossible à identifier en arquant ses sourcils et en pinçant les lèvres, ce qui lui donnait un air incroyablement plein de dédain. Dédain qu'elle ne manquait pas d'exprimer à Alix à chaque fois qu'il venait ici.

« Oui madame, reprit alors ce dernier. Il ne s'agissait que d'un groupe isolé.

-Allons ma très chère Lise, fit Néo en riant. Je sais que tu as terriblement hâte de te débarrasser de ces vermines, mais laisse dont les Chiens faire leur travail. Ils sont faits pour ça et ils finiront bien par y arriver. »

Lise laissa échapper un gloussement au mot vermine et l'assemblée entière se mit à plaisanter sur l'éradication future des Anciens. Alix hésita, avant de faire un pas en avant et de s'incliner par précaution devant Néo, se jetant à l'eau.

« Monsieur, je me permets de faire une requête, par rapport à un de mes hommes...

-Laissez-moi deviner... Louis, quatorze ans, originellement de la caste de la vie, c'est cela ?

-Oui monsieur, c'est bien ça. J'aimerais -

-Le traître ? »

La question posée par la femme au numéro dix-neuf souleva des murmures d'indignation, alors que plusieurs paires d'yeux lilas se posaient sur l'impudent général qui osait demander quoi que ce soit pour un vulgaire traître à son sang. Alix serra les dents, avant de reprendre.