Chapitre 5

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Niel ne savait pas où est-ce qu'il allait.

Habituellement, avec sa sœur, il savait toujours. Toujours dans quelle direction aller, toujours où est-ce qu'ils étaient. Il était conscient de tout ce qu'il l'entourait, de l'environnement dans lequel il avançait. Il savait en permanence où Alix se trouvait, où le reste des Chiens se trouvaient, où les Yeux-Morts étaient, et surtout, où Cam était. Il pouvait reconnaître sa respiration entre des milliers, il pouvait l'entendre et savoir que c'était elle peu importe où elle se trouvait, même si c'était à plusieurs dizaines de mètres. Il entendait tout, le moindre bruissement, le moindre mouvement.

Maintenant, il était totalement perdu. Il avait beau essayer, tendre l'oreille, se forcer à faire quelque chose qui lui était auparavant totalement naturel, pas moyen. Tout n'était plus qu'un brouillard sans aucun sens, l'entourant, l'étouffant, entravant ses mouvements et ses déplacements. Il n'était même plus sûr de l'endroit où se trouvaient les siens, entendant vaguement la progression d'Alix – qui avait toujours eu un pas léger, discret, adroit, facile à reconnaître – mais pas suffisamment pour le placer correctement dans l'espace.

Il ne se rendit compte du danger qu'en entendant le cliquetis d'une lampe, et la voix du général hurlant ses ordres. Il ne s'en rendit compte que bien trop tard.

« Battez-vous ! »

Ainsi face à son erreur cruciale, Niel se retourna et ouvrit les yeux. Quelques secondes seulement furent nécessaire pour qu'il comprenne à quel point il avait échoué. Un campement de dix-sept Yeux-Morts, juste à côté d'eux, qui les avaient repérés avant qu'eux ne le fassent. D'un geste de main, Alix avait envoyé les plus jeunes entourer le champ de bataille pour empêcher quiconque de s'enfuir mais surtout pour leur permettre de rester dans l'obscurité sans se faire viser ou prendre d'assaut par leurs ennemis, laissant les autres en infériorité numérique. Ces derniers étaient maintenant aux prises avec les Yeux-Vides qui avaient immédiatement réagis, se lançant sans hésiter dans le combat. Le plus grand danger pour les Chiens était sans conteste leurs armes. Ils étaient mis en garde depuis des années de leurs moyens de défense crachant du feu, blessant mortellement et à distance. Les Chiens étaient plus rapides, plus forts, plus agiles, mais ne se battaient qu'au corps à corps. C'était à cause de ça que Cam était morte : un Ancien l'avait vu et lui avait tiré dessus.

Sous le choc, Niel courut se mêler à la bataille. Ce fut à ce moment seulement qu'il se rendit compte qu'il ne faisait qu'enchaîner les mauvaises décisions ; il entendit le cliquetis d'une arme, dont il voyait sa propriétaire aux yeux marrons la pointer droit sur son crâne.

Se demandant s'il était destiné à mourir exactement de la même façon que sa sœur, la cervelle explosée, l'éclaireur attendit le choc, paralysé. Après un temps qui lui sembla interminable mais qui en réalité n'avait duré que quelques millièmes de secondes, il entendit le coup de feu, mais la douleur ne vint pas.

« Bouge ! Défends-toi ! »

Alix avait sauté entre lui et son assaillante, attrapant le canon du fusil et l'écartant d'eux, faisant partir la balle vers le ciel, avant de frapper la femme dans le ventre pour l'agripper par les cheveux et l'égorger sans autre forme de procès.

Les mots du général firent enfin bouger Niel de façon sensée. Le garçon détacha la lame à son avant-bras, attaquant par derrière l'homme aux prises avec Luc en enfonçant son arme profondément entre ses côtes.

Le combat ne dura techniquement pas si longtemps que ça, mais pour les habitudes des Chiens il sembla une éternité. Tomber sur un groupe aussi énorme était déjà rare, alors avoir à se battre en étant pris par surprise dans un terrain accidenté qu'ils ne maitrisaient pas rendait la tâche plus difficile que normalement.

PurpleWhere stories live. Discover now