Chapitre 1

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Habillée et coiffée, je descends les escaliers de ma petite maison pour me rendre dans la cuisine en ce frais matin de janvier. Mes parents étant déjà attablés, je leur fais à tous les deux un bisou sur le haut de la tête avant d'attraper un bol en mauvais état et de me faire un chocolat chaud.

Peut-être ton dernier avant les prochaines vacances.

Je m'installe ensuite et commence à manger mon petit-déjeuner médiocre et sans goût, quand mon père se racle la gorge.

" Alors ma grande, prête pour le départ ? Il me demande doucement.

- Si avoir l'estomac tellement serré que j'arrive pas à boire mon chocolat veut dire que je suis prête, alors oui, je répond à voix basse, les yeux rivés sur mon vieux bol.

- C'est normal d'être inquiète ma chérie, mais ne t'en fais pas trop. Le directeur de ta nouvelle école nous a assuré que tu sera entre de bonnes mains et que tu ne risques rien, me rassures ma mère en posant sa main sur la mienne. Je lève mon regard vers elle et souris tristement.

- J'ai pas peur du danger, après tout on est pas plus en sécurité ici... J'ai surtout peur du rejet et des jugements.

- Ils n'auront aucune raison de te juger, ce qui est sur le point d'arriver est incroyable. Tu as travaillé dur pour en arriver là, tu mérites cette opportunité et tu dois la saisir ! Renchérit-elle, me donnant un peu plus confiance en moi.

- Allez, manges et finis de te préparer, on devra bientôt partir" ajoutes mon père.

La discussion vire sur quelque chose de plus léger et je termine mon petit-déjeuner avant de remonter à la salle de bain pour me brosser les dents. Une fois la tâche accomplie, je profite du temps qu'il me reste pour m'examiner dans le miroir, utilisant ce moment de solitude pour calmer ma respiration légèrement paniquée.

Le reflet d'une grande brune se dresse devant moi. Ses cheveux bruns sont attachés en une tresse qui descend le long de son dos, et ses sourcils fournis et foncés trahissent son inquiétude. Ses grands yeux gris sont couverts d'un voile de peur, et en dessous, des cernes violettes marquent sa peau hâlée. Cette dernière est parsemée de tâches de rousseur sur son nez et le haut de ses joues. Quelques boutons apparaissent aussi, rendant son visage imparfait. Son corps est très fin, presque maladif, signe d'un manque de nourriture évident, ses genoux tremblent et on dirait presque qu'elle est sur le point de s'évanouir.

Ouais. Une humaine quoi.

...

Le trajet en voiture est très long. Nous avons quitté le village aux alentours de huit heures ce matin. En voyant toutes ces ridicules maisons identiques et si familières s'éloigner de mon champ de vision à travers la vitre de la voiture, je sens mon cœur se serrer un petit peu plus. Mes amis, ma famille, mon école, tous mes repères vont rester là bas, et je vais devoir m'en créer de nouveaux rapidement. Je ne me suis jamais rendue compte de l'amour que je porte à cet endroit dans lequel j'avais grandis, en dépit de tous les malheurs qui planent autour. Maintenant que je le quitte, je comprend enfin le dicton "on ne se rend compte de la valeur de quelque chose que quand on ne l'a plus".

Nous avons traversé d'autres villages et de nombreux champs qui s'étalent à perte de vue avant d'arriver à la lisière d'une forêt. Là, la route se transforme en un chemin de terre tout cabossé et parsemé de dos d'ânes, qui serpente entre les arbres, tout juste assez large pour la voiture. À un moment, nous tressautons tellement que je dois m'aggriper à la banquette, et le mal de transport commence à me prendre.

ALCARIA ACADEMYWhere stories live. Discover now