Wendy tome 1 : L'enfant esclave

Chapitre 1

 Une secousse brutale et Wendy s'éveillait. Cela faisait à présent trois jours qu'elle se trouvait dans cette carriole, entourée d'une dizaine d'autres personnes. Trois jours pendant lesquels le sommeil avait été un luxe. Les personnes qui conduisaient ne faisaient presque aucune pause et ne s'arrêtaient que lorsque le soleil n'éclairait plus leur route. À cet instant, la jeune fille avait le droit de sortir un peu, tout juste le temps d'aller se soulager avant d'être ramenée à l'intérieur avec les autres.

Pendant ces nuits, il était difficile de dormir entre la place qui l'obligeait à ramener ses jambes contre sa poitrine et les ronflements des autres qui résonnaient dans l'espace confiné. Le jour n'était pas non plus un bon moment pour s'assoupir. Même si la lumière était cachée et ne passait que par les interstices entre les planches de bois, les routes en mauvais état la secouaient dans tous les sens.

Un silence pesant régnait dans l'habitacle et alourdissait chaque seconde qui paraissait alors en durer dix. À force de rester ainsi groupé aussi longtemps au même endroit, une odeur de sueur s'était répandue et s'était mêlée à celle d'urine de ceux qui n'avaient pas réussi à tenir jusqu'à la pause du soir.

Les visages étaient fermés et résignés pour certains, effondrés et en pleurs pour d'autres. Wendy faisait partie de la première catégorie. Elle avait déjà eu l'occasion de pleurer toutes les larmes de son corps lorsque ses parents lui avaient annoncé la terrible nouvelle, ou plutôt l'avaient mise devant le fait accompli.

Peu à peu, des bruits de civilisation se firent entendre à l'extérieur. Wendy entendait d'autres carriole rouler, des chevaux qui hennissaient, des hommes qui parlaient ainsi que d'autres qui criaient pour se faire entendre par-dessus tout ce bruit. Certaines personnes avec elle tentaient de voir l'extérieur au travers des imperfections du bois, elle, elle restait à fixer avec un regard vide un nœud dans la planche en face d'elle.

Elle aussi était pressée de sortir de ce cercueil ambulant, mais elle ne l'était pas quant à l'endroit qu'elle irait rejoindre une fois descendue. Alors à quoi bon regarder à l'extérieur ?

Soudain, les secousses cessèrent. Ça y est, ils étaient arrivés. À l'oreille, la jeune fille suivit la progression du conducteur qui venait de descendre de sa place. Il passa juste derrière l'endroit où elle était assise et continua sa route jusqu'à arriver derrière la carriole. Là, des bruits métalliques résonnèrent et le son d'une lourde chaîne qui tombait à terre se fit entendre.

Les deux battants de la porte s'ouvrirent alors avec un grincement et firent pénétrer la lumière du jour dans l'habitacle. Ceux au premier rang, éblouis, tournèrent la tête et fermèrent un instant les yeux tout en se les cachant avec leurs mains. Vu qu'elle était bien plus petite que les autres qui étaient adultes, leur stature lui cachait le plus gros de la lumière.

— Allez, descendez ! ordonna le conducteur.

Résignés et la tête basse, les passagers descendirent un à un. Cependant, avant que Wendy n'ait eu le temps de sauter à son tour pour toucher la terre ferme, quelqu'un la poussa violemment sur le côté. Elle n'avait pas été la seule à avoir ainsi été brusquée, la femme devant elle était aussi tombée sur le plancher de la carriole.

— Non ! Je ne veux pas, je ne veux pas ! hurla l'homme en sautant de la voiture et en se mettant à courir.

Alors que la femme poussée se relevait, faisant ainsi perdre de vue à la jeune fille la personne qui courrait, un horrible cri retentit, puis s'éteignit presque aussitôt. Des sons de stupeur et d'effroi s'élevèrent alors, mais durèrent aussi longtemps que le hurlement qu'elle venait d'entendre.

— S'ils y en a d'autres qui veulent s'échapper, c'est votre chance, allez-y, ne vous gênez pas ! s'esclaffa le conducteur.

Le calme revenu, les passagers continuèrent de descendre. La femme derrière elle était-elle mue par un certain instinct maternel ? En tout cas, lorsque ce fut au tour de Wendy de descendre, une main vint se poser sur ses yeux pour cacher ce qu'il y avait devant elle.