LE MAESTRO

2. Symphonia (1/2)

Les lettres néons Symphonia s'évaporent et laissent place au visage juvénile du présentateur. Il est inconnu du public, un pari osé pour la chaîne leader sur les audiences du pays qui ne tourne plus qu'avec les poids lourds de l'animation.

– ... phonia. Mince, excusez-moi ! Oui, ce sont les aléas du direct, et pour mon baptême du feu, c'est réussi. Je reprends : bonsoir à toutes et à tous, chers téléspectateurs et internautes. C'est le grand soir pour Symphonia ! Je suis Bastien Cotton et c'est moi qui aurais l'honneur de vous accompagner pendant cette émission exceptionnelle !

Sur le plateau, les cris du public parviennent à couvrir la musique de l'orchestre disposé sur l'estrade en forme de lyre.

– Voilà des semaines que les esprits s'échauffent. Sans plus attendre, vous allez enfin découvrir les candidats de cette première saison. Leur venue sur ce plateau a été enregistrée il y a quelques heures. En ce moment même, leur bus n'est plus très loin de leur lieu de résidence. Je vous rappelle qu'il est tenu secret. Personne, ni moi, ni les équipes parisiennes n'a connaissance de ce lieu ; j'y reviendrai plus tard.

Le chauffeur de salle fait réagir le plateau pour ponctuer chaque phrase enjouée de Bastien Cotton. D'aucun pourrait penser que la canicule explique le front luisant du novice, mais c'est bel et bien la trahison d'une montée de stress, la climatisation et le maquillage n'y font rien.

Il garde cependant un sourire impeccable, moins crispé, et ne bute plus sur les mots. Derrière lui se tiennent les six professeurs, assis en ligne, tel un jury qui évaluerait le lancement de l'émission. Dans le public, certains crient leurs noms. Ils ont déjà été présentés dans une émission « portraits ». La professeure de sport semble déjà fédérer le public.

– Vous aurez reconnu, juste-là, le corps professoral de choc. Nous reviendrons vers eux, mais si monsieur le directeur, Idris Rénédaut, pouvait juste nous dire quelques mots sur les candidats. Applaudissement pour lui et son équipe, s'il vous plaît !

L'assistance redouble d'effort. L'homme dégarni, seul porteur d'un costume cravate aux reflets splendides, salue l'audience de la tête.

– Des pépites, nous sommes tombés sur des pépites, déclare-t-il sobrement avant de reposer son micro sous les approbations des professeurs qui l'encadrent. 

Bastien Cotton fixe la caméra d'un grand sourire.

– Allez, je sens que vous n'y tenez plus. Voici donc la présentation des candidats, enregistrée sur ce même plateau, comme je vous le disais, il y a quelques heures. Retour au direct en deuxième partie de soirée, nous suivrons donc leur entrée à la Résidence. Magnéto !

Symphonia vient se réinscrire sur l'écran. 

Bastien porte une chemise différente, et ne s'adresse qu'aux téléspectateurs. Il n'y a plus de public, puisqu'il fallait garder secret l'identité des candidats jusqu'à la diffusion.

– Je vous retrouve pour les présentations. Voyez ces portes derrière moi, je peux vous dire que les douze candidats qui attendent sont morts de trac. Faut dire qu'ils ne s'attendaient pas à ça. Vous allez tout comprendre, mais sans plus attendre, voici les six filles et six garçons de l'aventure Symphonia !

Roulement de tambour. Les immenses portent blanches du plateau s'entrouvrent alors que l'orchestre s'en donne à cœur joie. Douze silhouettes émergent de la fumée artificielle qui dévale les marches.

– Venez, venez ! indique Bastien.

Dociles et intimidés, ils suivent le chemin jusqu'aux fauteuils installés en cercle au milieu du plateau. Pas de grands effets dans les tenues, coiffures et maquillages : le mot d'ordre est la simplicité. Ils ressemblent plus aux membres d'une colonie de vacances apprêtés pour une soirée dansante. La tenue la plus audacieuse est une longue robe rouge d'été. Celle qui la porte manque une marche et se rattrape de justesse à son voisin, un colosse de deux mètres au nez cassé qui dévoile un rire tonitruant.