6. Triangle (1/2)

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Le producteur, Charles Comtoise, est aussi blême que son porte bloc-notes. Sous les lumières blafardes du tunnel, c'est encore pire. Le chauffeur de taxi en conclut qu'il doit être vraiment mal en point. Lorsqu'il laisse son passager au pied des urgences, il ne se formalise même pas de sa rudesse et se dit juste qu'il n'aimerait pas être à sa place. Il touche son amulette en bois qui pend au rétroviseur alors qu'il s'éloigne. 

Le producteur passe les portes. Son téléphone sonne :

– Oui, quoi ? Toujours rien ? Merde, on n'aura des bonnes nouvelles quand ? QUAND ?

Une infirmière qui passe lui fait signe de baisser le ton. Il s'agace puis chuchote dans le combiné, sans plus aucune considération pour l'infirmière :

– Les relances ne donnent rien ! Merde ! Merde. Je suis à l'hôpital, Bruno est notre dernier espoir !

Il range son téléphone et demande à l'accueil :

– Je suis monsieur Comtoise, on m'a appelé pour Bruno Desme, il a été admis aux urgences.

L'infirmier pianote sur son clavier et lui affirme :

– Bâtiment D, deuxième étage, chambre 286. Prenez les ascenseurs du couloir jaune, précise-t-il en indiquant l'est.

Charles court. Il sent que quelque chose de grave se met en place : plus aucun contact avec les candidats, ou la technique. Bruno est bien le seul, absolument le seul, en bon avocat, à connaître le lieu de Résidence. Et son pressentiment lui dit que son arrivée à l'hôpital n'est pas une coïncidence. 

L'ascenseur lui semble pataud, lent.

– Allez, merde !

La tension est telle qu'il rêve de gifler la malade qui interrompt sa montée. Plus aucun sentiment, le temps, l'argent perdu, ça, ça compte !

Dans le couloir aux odeurs mortifères, il entend le bruit des équipes qui s'activent. Les ordres sont directifs, secs. Il y a urgence et il ne s'étonne pas de voir que ça provient de la chambre 286. 

Quand il arrive sur le seuil de la porte, le médecin déclare la mort du patient. Une infirmière vient vers lui, tente des mots rassurants, des mots qu'il n'entend pas.

Il demande :

– Qu'est-ce qu'il s'est passé ?

– L'hémorragie était trop importante, nous avons fait tout ce que nous avons pu. Son cœur est reparti deux fois, mais il a replongé.

– Mais, qu'est-ce qui s'est passé ?

– Il a été renversé.

– Mais... mais...

– Le SAMU l'a secouru vers la place Beautemps. Le chauffard est toujours recherché.

Charles sait que c'est un meurtre prémédité. La place Beautemps, c'est là où se trouve l'entrée des studios. Bruno venait les aider. Mais, désormais, le dernier homme qui aurait pu leur fournir la localisation des candidats se faisait recouvrir d'un drap mortuaire.

LE MAESTRODonde viven las historias. Descúbrelo ahora