24. Liaison (1/2)

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– Oh, cette odeur...

Rocco donne un mouchoir à Lilia. Elle a beau se couvrir le nez, ça ne sert strictement à rien.

– Je vais vomir...

L'italien téméraire lui laisse le tuteur de métal qu'il a déterré.

– Reste-là, je peux y aller tout seul. Redis-moi juste où c'est.

– T'es sûr ? Je ne sais pas, je... à choisir je préfère supporter cette puanteur plutôt que d'attendre ici, affirme Lilia en lui rendant l'arme.

Lilia s'engouffre dans le couloir pour lui ouvrir la voie. Ils progressent vite, les murs bétonnés s'animent de leurs ombres élastiques. Lorsqu'ils entrent dans la salle de la technique et du son, l'absence de fenêtre les contraints à réveiller les néons blafards. 

– C'est dans la pièce à côté ! précise Lilia.

– La puanteur parle d'elle-même...

Mais ils restent à regarder ce que filment les caméras.

– Où tu te caches ? siffle Rocco entre ses dents.

Le cri d'effroi de Lilia brise le silence.

– Diane ! Achille ! Là...

Tremblante, elle approche son index de l'écran qui révèle les corps inanimés, baignés dans leur sang.

– Où sont les autres, pitié, où sont les autres ?

Elle n'a pas le temps de chercher, Rocco la saisit par les épaules :

– On va chercher ce putain de téléphone !

C'est au même moment qu'un bruit se fait entendre juste à côté.

– Quoi encore ?

– C'est lui... c'est lui...

Lilia sent le souffle lui manquer. Rocco lui fait signe de se taire, posant son doigt sur sa bouche. Il avance comme si le sol était miné. Approchant d'une armoire de rangement, il demande à Lilia de s'y cacher.

Elle l'implore du regard, comme s'il s'apprêtait à l'abandonner. Mais elle se laisse faire, alors qu'il l'aide à y entrer. L'espace est étroit. 

Il repousse la porte métallique :

– Je t'en supplie, ne m'enferme pas, chuchote-t-elle alors que l'angoisse déforme ses traits.

Rocco repousse la porte et Lilia, seule dans cet enclos froid, se concentre sur le minuscule trait lumineux pour se rassurer. Les pas de Rocco s'éloignent, puis elle entend la porte grincer : il est entré dans le local des morts.

Lilia retient son souffle quelques secondes. Le silence s'épaissit, le temps s'étire, puis un mouvement, presque imperceptible, se fait entendre.

– Rocco ?

La porte métallique se ferme, engourdissant les tympans de Lilia. Elle hurle :

– ROCCO ! ROCCO ! Au secours ! A l'aide ! ROCCO !

Elle veut se débattre, tambouriner sur la porte, mais elle peut à peine bouger. La panique la submerge, une chaleur s'empare de ses entrailles, elle suffoque, comme privée d'oxygène. 

De l'autre côté, Rocco a lui aussi été enfermé. Il entend ses cris désespérés, il doit la sauver. À plusieurs reprises, il tente de défoncer la porte. Elle résiste, mais il ne s'avoue pas vaincu, poursuit ses assauts malgré la douleur dans les muscles de ses cuisses et ses épaules. Au quatrième essai, la porte cède et il s'écroule, se cogne contre le mur d'en face. Il lui faut quelques secondes pour se reprendre. 

Plus aucun cri ne lui parvient.

– Lilia !

Rocco se relève et se précipite vers l'armoire qu'il ouvre, découvrant une Lilia prostrée, le regard ahuri, rouge de peur, de colère. Elle ne semble pas l'entendre, mais elle est vivante et il soupire de soulagement.

– Lilia ? Lilia ?

Il ramasse la tige de métal, surveille la pièce tout en s'agenouillant mais leur bourreau n'est plus là. 

– Lilia, répète-t-il, c'est fini.

Elle réalise enfin que la porte est ouverte, elle s'extrait de l'armoire comme si son métal était en fusion. Rocco a toutes les peines à la calmer. 

– Viens dehors, viens. Il faut te ressaisir, Lilia. Tu es en vie !

LE MAESTROWo Geschichten leben. Entdecke jetzt