22. Dahlia

55 16 15
                                    

– Eh, Achille, ne m'oublie pas !

Le jeune homme lève les yeux. Affalée sur le sofa capitonné, Diane s'étire de tout son long, portant son verre en direction du jeune homme. Sa tresse se déroule sur l'accoudoir où elle a calé sa nuque. Elle le regarde à l'envers, il est assis sur le bureau, chemise déboutonnée et la peinture immense d'un dahlia rose et noir accrochée au mur juste au-dessus de lui semble l'inviter dans un monde psychédélique. Elle insiste :

– Allez !

Sa main tangue, et lorsqu'il verse le whisky, elle en fait tomber la moitié.

Diane se rassoie et lèche sa main. 

– T'aurais pu faire attention, dit-elle en s'esclaffant.

– T'as pas honte de parler comme ça au grand patron ! 

Achille pose ses mains sur le bureau, dans une attitude de domination, mais son coup dans le nez ne donne pas l'effet escompté. Il renverse un cadre portant un disque d'or factice.

– Un peu cheap, non ? 

– On s'en branle. On a trouvé l'essentiel, répond Achille en désignant le tiroir du bas. Le gars s'est mis bien, mais il n'en profitera pas.

Diane attend que passe son hoquet pour boire une autre gorgée, en grimaçant.

– Il fallait au moins ça pour me faire boire cette merde, dit-elle.

Diane glousse.

Achille l'observe. Les rayons de la Lune viennent cendrer ses mèches. Il se lève.

– Attends, tu vas où ?

– Il doit bien y avoir une autre bouteille quelque part, répond-t-il en ouvrant les placards de l'armoire.

Pendant que le jeune homme cherche à les saouler davantage, Diane s'en va vérifier les deux portes du bureau ovale. Lorsqu'ils se sont rendu compte qu'ils pouvaient s'enfermer à l'intérieur, ils n'ont pas poussé plus loin leur quête.

Par précaution, Diane déplace la méridienne contre la porte.

– Ça ne sert à rien, précise Achille. Eh ! C'était quoi ce bruit ?

– Je n'ai rien entendu, affirme Diane.

Elle se penche doucement, passe l'œil au niveau de la serrure, mais sans trop s'approcher. La vue extrêmement réduite qu'elle a du couloir ne lui dévoile rien. Mais elle sent un souffle derrière elle, et hurle en lâchant son verre.

Achille la regarde, un sourire carnassier étiré jusqu'à ses yeux.

– T'es vraiment un connard ! peste-t-elle en le repoussant de l'épaule.

Diane semble avoir subitement dessoûlée. Jusqu'à ce que son éclat de rire résonne en écho.

– On devrait rejoindre les autres, non ? 

– On s'en fout des autres ! On est bien, là ! On est vivant !

Achille commence à se déshabiller.

– Qu'est-ce que tu fais ?

– Faut bien s'occuper, non ? Tu n'en as pas envie ?

Diane rit, au début semble gênée, puis se laisse embrasser.

Le jeune homme se fait plus insistant, et lorsqu'elle répond à son ardeur et l'entraîne sur le sofa, il sait qu'elle a baissé les armes et va s'offrir totalement à lui.

Il se retrouve sur elle, ses lèvres se font plus pressantes. Elle parcourt son dos avec sa main, puis Achille se fait lourd.

– Attends, tu m'écrases ! prévient-elle sans interrompre ses baisers.

Mais elle ouvre les yeux, intriguée par son soudain relâchement. 

– Aaaaaah !!!

L'homme-silhouette se tient juste au-dessus d'eux. La chaleur humide qu'elle ressent, c'est le propre sang d'Achille qui s'écoule sur son ventre.

Diane n'a pas le temps de crier une seconde fois, la lame s'enfonce dans son gosier.

LE MAESTROWhere stories live. Discover now