33. Adorable (2/2)

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Maureen ne perçoit presque aucun son. Tout semble étouffé. 

Le simple fait de cligner des yeux provoque une décharge dans ses tempes. 

La cabine est éventrée, les grilles levées vers le ciel comme des griffes. 

La fumée se dissipe. Un surplus d'adrénaline s'enclenche alors qu'elle voit le tueur descendre de la falaise à l'aide d'une corde.

Maureen tourne la tête, Lilia est inconsciente, un filet de sang glisse de son front, mais elle respire.

La jeune femme se relève. Elle a mal partout mais aucun os n'est cassé. Ce n'est pas le cas de Rocco, dont la jambe dessine un angle improbable. C'est lui qui a amorti sa chute. Il râle de souffrance, épuisé, tout comme Ziad, également en piteux état.

Elle s'extirpe du vaisseau de ferrailles. Ses gestes sont lents.

– Les gars !

Rocco tente de se redresser mais s'écroule dans le sol dans un cri entre douleur et désespoir.

– Maureen, Ziad, Lilia ! Vous allez bien ?

– Oui !

Lilia ne se réveille pas. 

– Qu'est-ce que je peux faire ? supplie Maureen.

Le tueur se pose sur la plage et fonce sur eux, son éternel poignard en main.

– Cours ! Maureen ! Cours !

Ziad, dans un effort surhumain, parvient à entraver les jambes de l'homme-silhouette qui s'écroule. Mais, indemne, il se relève, lézarde le torse du jeune homme puis reprend sa course.

Maureen s'élance vers la mer. 

Dans cette crique, elle ne voit personne à l'horizon, ni aucune habitation sur les falaises. Elle puise dans ses dernières réserves pour distancer le tueur, mais ses muscles se tétanisent, elle s'enfonce dans le sable et manque d'énergie. 

La douleur dans ses côtes s'intensifie, les blessures sur ses genoux se remettent à saigner.

Elle a le malheur de surveiller ses arrières, il se rapproche et elle ne peut s'empêcher de crier à la vue de la lame qu'il brandit.

– A L'AIDE ! AIDEZ-MOI !!!

Elle s'approche des roches granitiques et s'engouffre dans les brèches rocailleuses. 

Sa progression est plus lente mais elle le met en difficulté, se soustrayant à sa vision à chaque recoin. Elle manque de tomber, trouve un couloir de sable entre deux roches et fonce à nouveau. 

Le souffle court, le cœur au bord de l'explosion, elle se terre dans un recoin, priant les cieux de pouvoir reprendre des forces.

– Adorable Maureen ! appelle-t-il, tous près.

Elle couvre sa bouche de la main. Malgré l'écho des vagues lointaines, elle a l'impression que son essoufflement recouvre tous les sons.

– Tu vas crever comme les autres !

Elle attend, se prépare à l'idée de le voir surgir devant elle, lorsque ce qu'elle n'attendait plus se produit : un bateau se dirige dans leur direction.

Maureen sort de sa cachette et s'enfuit vers le large, agitant ses bras.

– EH ! PAR ICI !!!

Elle en déchire ses cordes vocales à plusieurs reprises.

– REVIENS, SALOPE !!!

Elle l'entend râler comme un taureau. Mais elle persiste. Aucun doute, le bateau l'a vue et vient à sa rescousse. 

Le tueur saute et la projette sur le sol. 

Tout se passe en un instant. Ses réflexes lui évitent de recevoir le coup fatal, elle attrape une pierre et frappe sur l'arrière du crâne. Il lâche sa prise, elle bascule, se relève et court à nouveau vers le bateau. Elle peut enfin voir les deux hommes à bord. L'un d'eux visent.

PAN !

Il manque sa cible. Le tueur charge à nouveau Maureen, qui réplique avec sa pierre.

– T'es qui ? Enfoiré ! T'es qui ?

Elle le frappe, tente de déchirer sa combinaison. 

Il est plus fort, l'éjecte d'un coup de pied dans le ventre. Maureen se plie en deux,  recroquevillée sur le sable.

Un deuxième coup de fusil retentit. La balle ricoche non loin du tueur. 

Maureen rampe, elle sent soudain le goût de l'eau salée. Le bateau n'a jamais été aussi près. Le jeune tireur réitère et l'homme-silhouette recule, s'en retourne vers la falaise d'où une colonne de fumée s'élève.

La Résidence brûle.

Le navigateur jette l'ancre, alors que son fils saute dans la mer. 

– MAUREEN !

Elle n'a pas la force de se demander comment il l'a connaît et s'écroule dans ses bras.

– Merci ! murmure-t-elle.

– Papa, elle a besoin d'aide.

Son père les rejoint, maintenant le fusil en l'air. 

– Aide-la !

– ATTENTION ALEXIS ! 

Le tueur est là, joue de sa lame. Il envoie le fusil dans l'eau, et aveugle Alexis. 

Profitant de leur confusion, il les contourne, puis s'élance jusqu'à l'embarcation.

– Ne le laisser pas s'enfuir ! implore Maureen.

Mais l'homme-silhouette s'éloigne déjà vers le large.

– Il n'ira pas bien loin, affirme Alexis.

Le jour se lève. 

Maureen s'évanouit avec pour dernière vision, le visage de son sauveur.

LE MAESTROWhere stories live. Discover now