8 Avril

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J'étouffe une respiration en ouvrant mes paupières, agressé par la lumière du couloir. Émie, fière et bien réveillé, se tient à califourchon sur mon torse, un sourire édenté plaqué sur son visage. Je grommelle et la pousse en roulant sur le flanc opposé, désireux de retourner dans le monde des songes.

— Aïdan, proteste-t-elle, tu dois m'emmener à la danse.

Embrouillé par le sommeil, je finis par percuter et me redresse vivement, un peu plus réveillé. Elle m'observe avec ses grands yeux, une moue amusée sur le visage.

— Il est neuf heures trente !

— Putain, Emie, je grogne en la chassant de mon lit. Tu me réveilles toujours au dernier moment.

Elle rigole et s'enfuit avant que ma foudre ne s'abatte sur elle. Soupirant, j'ouvre mon armoire et enfile quelque chose de confortable, conscient qu'Alex me dévisagera comme à son habitude.

Enfilant les vêtements de la veille sous la demande d'Alex, je descends les escaliers rapidement avant de me verser un verre de jus d'orange. J'en profite pour faire griller quelques tartines que je badigeonne de beurre et cours pratiquement pour aller me laver les dents.

Hors de question de me présenter avec une haleine de chacal devant mon petit ami.

La honte.

Je récupère le sac de ma sœur et m'apprête à sortir quand ma mère nous retient, embrassant la petite fille sur le sommet de son crâne.

— Soyez prudent dehors, dit-elle comme si nous avions encore cinq ans et que nous ne savions pas vérifier à droite et à gauche avant de traverser un passage piéton. Tu reviens directement ici après le cours, Aïdan.

— Oui, maman, je souffle en agrippant Émie.

Elle la salue une dernière fois et nous sortons dehors, dans l'air frais du mois d'avril. Je déteste cette saison où le matin, il fait si froid que l'on est obligé de se balader avec une veste chaude pour ensuite l'enlever l'après-midi, suffoquant à cause de la chaleur.

Le trajet en bus se fait rapidement, sûrement parce que je suis impatient. Je salue les quelques parents qui se tiennent devant le gymnase, me reconnaissant au fil des visites. Je ne suis désormais plus un étranger lorsque je dépose ma sœur.

Elle court vers ses amies et me délaisse, allant s'enfermer dans le vestiaire. Comme à l'accoutumée, lorsque Alex offre son temps à la professeur de danse, celle-ci m'autorise à entrer. Je suis le seul qui jouisse du droit d'assister à leur entraînement. Je ne sais pas vraiment ce qu'elle a pu trouver comme excuse auprès des autres tuteurs, mais elle semble m'apprécier bien que je ne fasse rien d'autre que d'écouter la mélodie tout en fixant Alex avec insistance.

Je pousse la porte et découvre la salle de danse dont le parquet brille sous la lumière des projecteurs. Le piano, grand et noir, se trouve au fond de la pièce, sur une estrade. Alex est déjà présent, disposant ses partitions sur le portant prévu à cet effet. Je salue Pauline et trottine jusqu'à mon amoureux, retenant tant bien que mal le sourire niais qui souhaite éclairer mon visage.

Attendre samedi à pratiquement été une torture. D'autant plus que je me sens coupable d'avoir surréagit par rapport à ses sms.

Il redresse la tête en entendant mes pas et m'adresse un sourire sincère qui fait fondre la barrière de mon ego. Je le lui accorde volontiers, ce sourire idiot qui déforme mon visage.

— Salut, toi, dit-il en s'asseyant sur le tabouret d'un noir d'encre.

— Salut...

Je me penche vers lui et il capture mes lèvres dans un doux baiser. Je pourrais presque pousser un soupir de contentement si nous n'étions pas en public. Je me laisse choir à ses côtés et observe le clavier d'un blanc parfait.

Tome 2 : 20 Jours avant PâquesWhere stories live. Discover now