20 Avril

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Laçant mes converses, je mâche distraitement mon chewing-gum à l'anis, adorant ce goût à défaut de mes amis qui se demandent encore comment je fais pour apprécier cela. Je crois que j'affectionne tout ce qui est différent.

Émie saute sur mon dos, entourant mon cou de ses deux bras. Je pouffe une plainte étranglée et essaye de me défaire de son étreinte alors qu'elle rit à gorge déployée tout en enroulant ses jambes autour de mon buste.

— Émie ! Tu m'étrangles !

— Pardon, pardon, s'excuse-t-elle en se décrochant bien trop lentement à mon goût. Tu vas où ?

Je passe ma gorge et tapote la place à mes côtés, histoire de l'avoir dans mon champ de vision. Je tiens à ma vie, au moins un minimum. Reprenant ma besogne, je lui réponds :

— Au parc. Je vais voir Clément et Nathan.

— Oh ! s'exclame-t-elle avec des étoiles dans les yeux. Je peux venir ? Dis, je peux venir ?

Je grimace et bascule quand elle saute une nouvelle fois sur moi. La déposant à terre, je resserre ma chemise à carreaux qui pend autour de mes hanches et lisse mon tee-shirt favoris : celui à col roulé, noir, style débardeur.

— Je vais voir mes copains. Tu vas t'ennuyer.

— S'teu plaît, s'teu plaît, s'teu plaîîîîîîît ! dit-elle en joignant ses deux mains devant elle.

Je râle pour la forme et me sens déjà faiblir. Cependant, Henry débarque et sa voix grave et autoritaire me hérisse le poil.

— Qu'est-ce qui se passe encore ?

— Rien, je réponds en le foudroyant du regard.

— Aïdan va au parc, l'informe la rouquine.

— Ah. Tu l'emmènes ? Ça me permettra d'aller voir le voisin, je dois lui emprunter quelques outils.

Façon tacite de me dire que je n'ai pas le choix. Encore. Je déteste quand ils font cela. Cette manie de m'imposer leurs désirs va finir par me rendre dingue. Complètement dingue. Que cela ait lieu à cause de ma génitrice ne passe déjà pas, mais quand les ordres proviennent de mon beau-père, je n'ai qu'une envie : lui dire d'aller se faire cuire un œuf. Et de préférence, très loin de moi.

D'autant plus que, même si ma future réponse avait été affirmative, cela me donne encore moins envie de répondre aux demandes des adultes. J'aimerais qu'on me laisse le choix, bordel !

— Je peux pas.

— Pourquoi ?

— Parce que je vais voir les gars et qu'on va juste parler.

— Ça lui dégourdira les jambes.

— Je suis pas baby-sitter, je rétorque en levant les yeux au ciel, et en plus c'est le square ! Il n'y a rien pour les enfants.

— Tu ne vas pas mourir quand même ? Je te demande simplement de surveiller ta sœur, ce n'est pas compliqué ?

— Bah c'était pas prévu et tu peux aller chez Jacques un autre jour !

— Et tu peux très bien voir les garçons un autre jour, rétorque-t-il en montant le ton. Si tu n'es pas content, tu resteras ici avec ta sœur.

— Pardon ? je ris jaune. Tu me donnes des ordres ? Mais t'es qui en fait ?

— Aïdan !

— Oui, c'est moi ! je réplique en criant presque. Heureusement que tu connais mon prénom au bout de onze ans ! Merde, je fais ce que je veux. J'irais chez là-bas, point.

Tome 2 : 20 Jours avant PâquesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant