15 - LA CAVERNE

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Kyeran foulait le sol d'un pas régulier et se retournait de temps à autre pour s'assurer que Lyria suivait la cadence. À sa grande satisfaction, elle le talonnait sans éprouver le moindre signe de fatigue. Deux heures s'étaient déjà écoulées alors qu'ils sinuaient à travers bois sur un sentier au dénivelé capricieux et après ce que la jeune femme-dragon venait de vivre, il ne voulait pas qu'elle se surmène. Aussi, lui proposa-t-il de faire une pause quand il entendit le clapotement d'un ruisseau non loin d'eux.

— On va s'arrêter quelques minutes.

Elle leva les yeux.

— Encore ? On peut continuer, tu sais.

— Peut-être, mais je préfèrerais que tu te ménages un peu.

Lyria ouvrit la bouche pour protester, mais se ravisa finalement pour s'installer sur un arbre déraciné. Après avoir rempli sa gourde dans le petit torrent, il lui offrit à boire, puis s'adossa au tronc d'un sapin avant de la contempler d'un air pensif.

Depuis leurs retrouvailles, le doute gangrénait son esprit. À Solsti, il brûlait d'envie de la revoir, mais à présent, il ne savait pas comment se comporter. D'un côté, il y avait ce puissant instinct masculin qui lui dictait d'impressionner la jeune femme, voire même de la séduire. Et de l'autre, son sens rationnel persistait à le convaincre que son attitude était inconvenante et qu'il devait donc s'en tenir à une simple amitié.

Il aurait choisi de suivre la deuxième option sans hésiter si un étrange phénomène ne l'intriguait pas au plus haut point. Dès qu'il entrait en contact physique avec Lyria, ses douleurs ainsi que ses craintes dues au passé s'effaçaient pour laisser place à une sensation de sérénité absolue. Les paroles que répétait la voix de son dragon se frayèrent un chemin dans son esprit.

« Une compagne peut guérir les blessures les plus profondes. »

Mais bien sûr... Kyeran demeurait persuadé que sa conscience se trompait. Quelle femme un minimum sensée voudrait vivre avec quelqu'un d'aussi aigri et cabossé que lui s'il en avait seulement ressenti l'envie ? Et surtout, quel pourcentage de chance pouvait-il y avoir dans ce monde pour que Lyria soit vraiment celle qui lui était destinée ?

Puis, le souvenir de l'affrontement contre la vouivre-tigre brisa sa réticence. La Dragyanne avait lutté à ses côtés en parfaite symbiose et sa fougue ainsi que son courage n'avaient pas manqué de l'impressionner. Aussi, se demanda-t-il s'il ne devait pas retenter de la convaincre de rejoindre sa guilde. Les Alliés de la Nuit ne refusaient jamais de recruter de nouveaux combattants au sein de leurs rangs, ainsi, la jeune femme pourrait exercer un métier honnête et puis... ils se verraient plus souvent.

Malgré cette promenade distractive, son amie restait d'humeur morose. La santé précaire d'Allister en demeurait bien évidemment la cause, mais Kyeran sentait qu'un autre problème la préoccupait. Même s'il ne s'aventurait pas dans des sujets qui ne le concernaient pas, il n'avait nul besoin d'être devin pour savoir que sa précédente conversation avec Hayden avait provoqué un bouleversement.

Dix minutes plus tard, il décida de reprendre la marche.

— On continue ? On ne devrait plus être très loin.

Lyria acquiesça et bondit sur ses pieds, sa bonne humeur retrouvée.

Au bout d'une centaine de mètres, Kyeran reconnut des sapins roussis en contrebas sur sa gauche et un rocher moussu sur sa droite. Sur le tronc d'un feuillu, il distingua des traces de griffes qu'il avait laissées jadis pour se repérer. La pluie effaçait les marques olfactives et dans ces circonstances, il ne pouvait pas se fier à son flair, alors il recourait à ce stratagème bien plus efficace. De plus, cela lui conférait un avantage, car les humains confondaient ces lacérations avec celui d'un animal sauvage et en principe, les randonneurs ne cherchaient pas à s'aventurer sur le territoire d'un éventuel prédateur. À moins d'être complètement inconscient.

MÉMORIA ZÉROWhere stories live. Discover now