21 - ZÉRO - Partie 1/2

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Les funérailles d'Eldric furent célébrées trois jours plus tard. À la demande d'Alaric, on incinéra son corps et ses cendres furent conservées au caveau familial des Montallac. Peu de monde s'était déplacé pour lui rendre hommage. Même si le bijoutier était connu pour son mépris et son égoïsme, il ne méritait pas une telle indifférence. Seuls son frère et Karen ainsi que quelques rares amis du commerçant s'étaient réunis autour du tombeau.

Accompagné d'Angélina, Kyeran s'ennuyait ferme et peinait à dissimuler ses bâillements en écoutant le long monologue du prêtre. Depuis le début des obsèques, il se demandait pourquoi Alaric avait requis sa présence, surtout pour prier un humain qu'il n'appréciait pas. À ses côtés, le vieux traqueur et sa fille ne semblaient pas plus bouleversés que cela. Cet état d'esprit s'expliquait sans doute par le fait qu'ils n'avaient jamais été en très bon terme avec Eldric, mais par respect, ils avaient mis leurs griefs de côté et assisté à la modeste cérémonie.

Le petit groupe quitta le cimetière lorsque le rossignol annonça le crépuscule de son chant mélancolique. Personne n'émit le moindre mot pendant la lente procession, le silence seulement troublé par le crissement des graviers sous les chaussures. Les immenses grilles enfin dépassées, Alaric poussa un profond soupir, soulagé que ce mauvais moment soit passé. Derrière lui, Karen affichait une expression tout aussi ennuyée.

— Encore toutes mes condoléances, leur confia Angélina.

Alaric hocha la tête en guise de remerciement tandis que ses épais sourcils formaient une montagne au-dessus de ses prunelles ombrageuses.

— Je n'ai jamais aimé mon frère, précisa-t-il. On a toujours eu une relation conflictuelle, lui et moi, mais il ne méritait pas ça.

— J'avoue que j'ai souvent souhaité qu'il disparaisse de nos vies, ajouta Karen avec une grimace de remords. Mais de là à vouloir sa mort...

Kyeran les observa avec une moue circonspecte. Jamais il n'aurait pensé que les deux Montallac détestaient Eldric à ce point.

Karen posa une main réconfortante sur l'épaule de son père.

— Je vais rentrer. Emeryk est à la maison avec les enfants et je ne veux pas les faire trop attendre. Si tu as besoin de quoi que ce soit ou de parler, n'hésite pas à passer.

— T'inquiètes pas pour moi, marmonna-t-il, je m'en remettrai.

Sur ces mots, la jeune femme les salua, puis emprunta la direction opposée à la leur. Tandis qu'ils marchaient d'un pas las, Angélina demanda :

— Que vas-tu faire de la bijouterie ?

— Je ne sais pas encore, soupira Alaric. Elle appartenait à notre père donc je suppose que je vais en hériter puisqu'il le lui avait légué.

— Ton frère n'a pas d'enfants ?

— Non, Eldric était un célibataire endurci. Il était tellement égoïste et imbu de sa personne, qu'aucune femme ne voulait rester avec lui. Il était bien trop amoureux de son fric.

— Quelle tristesse... lâcha Kyeran sur un ton cynique.

Alaric étouffa un rire avant de reprendre :

— Je verrai avec le notaire dans les prochains jours ce qu'il en est, mais pour l'instant je n'ai pas le cœur à parler de succession ou autre connerie de ce genre.

Kyeran et Angélina opinèrent en silence, puis le vieux traqueur s'arrêta. Au coin d'une ruelle, l'enseigne lumineuse d'un bar l'appela.

— Je vais vous laisser, je crois que j'ai besoin d'aller boire un coup pour digérer tout ça. Faites attention en rentrant, on ne sait jamais. J'espère que ce taré ne reviendra pas faire des siennes.

MÉMORIA ZÉROWhere stories live. Discover now