Chapitre 32

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La sonnerie stridente de son téléphone fait trembler ses tympans. Comme un aveugle, il tape dans le vide en espérant atteindre l'objet bruyant qui martèle ses tempes. À côté de lui, un grognement retentit. La seconde d'après, un bras s'abat brutalement sur lui.

« Purée, Charlie, je suis pas un réveil ! s'exclame Éridan, soudainement bien éveillé.

– Éteins ce truc, s'il te plaît, marmonne-t-il, encore à moitié dans les méandres du sommeil.

– Fais-le toi-même, on doit se lever de toute manière.

– Mais il est trop tôt pour quoique ce soit.

– Qu'est-ce que tu en sais, tu connais même pas l'heure qu'il est, réplique-t-il en baillant.

– C'est moi qui t'ai dit de mettre le réveil, donc si, je sais. Enfin, je me rappelle plus de l'heure... Mais c'est quand même trop tôt ! »

Éridan soupire, mi-amusé, mi-fatigué. Soudain, il remarque l'absence de Loïs dans la chambre.

« Loïs n'est plus là, je vais voir où il est. Par contre, on a du boulot, donc bouge tes fesses. »

Seul un grommellement lui répond, toutefois, il s'en contente.

La maison est encore calme, le clocher vient à peine de sonner six heures. Éridan traverse les couloirs encore marqués par la fraîcheur de la nuit. Dans quelques heures, les températures de juins tiédiront l'air. Silencieusement, il pousse la porte du salon.

Un spectacle singulier s'offre à lui. Enroulée dans un plaid, Lucile dort paisiblement tandis que dans le fauteuil tourné vers elle, Loïs semble la surveiller. Néanmoins, ses yeux clos témoignent de son sommeil. Les premières lueurs du jour commencent à envahir les carreaux des fenêtres, illuminant légèrement leur visage apaisé. Éridan observe les deux dormeurs avec tendresse. Il se demande ce qui a pu les réunir au milieu de la nuit en ce lieu. Il n'ose pas les déranger dans leur repos léger et décide d'attendre un peu avant de réveiller la maison. Lentement, il s'extirpe du salon puis finit par passer la porte d'entrée.

Sur le seuil, il observe les perles de rosée sur le gazon. Dans la quiétude matinale, il fait le tour de la bâtisse. Au milieu de la pelouse humide du jardin, il inhale les fragrances de terre et d'herbe annonciatrices d'une journée d'été. Le soleil pointe alors réellement le bout de ses rayons. La lumière fade s'intensifie et l'astre du jour commence sa lente ascension. Son spectacle éclaire les mille gouttes d'eau sur les plantes. Dans l'ambiance jaune et rosée du matin, le monde se pare de mille diamants. Bientôt, la lumière viendra allumer les maisons, les gens. L'apparition du soleil n'est que le lever de rideau d'un théâtre continuel.

Finalement, Éridan sort de sa contemplation, décidé à transformer ce jour en un épisode inoubliable de son existence. Il rebrousse chemin.

Dans le salon, Lucile se tourne vers lui à son entrée. D'un doigt sur la bouche, elle lui intime de rester discret. En face d'elle, Loïs a pris une position étrange. Alors qu'elle attrape délicatement son téléphone, il grommelle dans ses songes. Elle arrête son mouvement attendant que plus rien, ni personne ne bouge. Puis, non sans une œillade complice vers Éridan, elle photographie le contorsionniste du fauteuil. Éridan a du mal à imaginer comment son ami a pu se retrouver dans cette position en seulement dix minutes alors qu'il était seulement assis. La jambe sur un accoudoir, le coude sur l'autre. Son autre bras prend appui sur son autre jambe tandis que sa tête repose sur une de ses mains. Les deux spectateurs de cette démonstration surprenante semblent se demander s'il est réellement possible de dormir dans une position pareille.

Puis au bout d'un certain temps, Lucile se rapproche malicieusement du dormeur et d'une pulsion de la main, déséquilibre le bras de Loïs. Sa tête, alors sans appui, tombe, le réveillant en sursaut.

Jusqu'à s'envolerOpowieści tętniące życiem. Odkryj je teraz