Chapitre 24

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Tout est inerte dans le bureau. Du moins, Loïs a l'impression que tout s'est arrêté, le temps, les gens, ses larmes, son cœur. Mais non, tout est encore bien en mouvement et chacun continue inlassablement sa course. D'un revers de manche, il essuie les dernières traces d'humidité sur ses joues et relève la tête vers le médecin de nouveau installé à son bureau.

« Désolé... Vous disiez ? »

Il le couve d'un regard compatissant que Loïs a du mal à soutenir.

« On en reparlera la prochaine fois. Reposez-vous, et faites attention. »

Il se lève et Loïs et sa mère en font de même. Après une poignée de main professionnelle, ils quittent le bureau oppressant d'un pas lent.

Ils traversent le sas de la salle d'attente, la mine déconfite, dans une autre dimension.

« Loïs ! »

Il se retourne vivement et tombe nez à nez avec la petite tête blonde qu'il connaît si bien. Un sourire se dessine sur ses lèvres sans pour autant atteindre ses yeux.

« Qu'est-ce que tu fais ici ? T'as pas cours ?

– Non, j'ai terminé plus tôt, déclare-t-elle malicieusement. J'ai emmené une surprise avec moi en plus... »

Loïs fronce les sourcils pendant que sa sœur lui sourit, fière d'elle. Puis, son regard se porte derrière sa tête blonde et il le remarque enfin. La jambe tressautant sous le stress, les poings serrés et cette éternelle tignasse légèrement décoiffée. Il reste de marbre face à cette présence inattendue. Puis, leurs regards se croisent et malgré son teint anormalement blafard, Éridan le fixe de ses yeux verts assurés. Un silence pesant prend place dans la salle d'attente. Personne ne dit rien, ils sont quatre humains silencieux et peu désireux de briser la quiétude qui s'étire. Combien de secrets planent sur cette plaine de non-dits ?

« Je suis venu jusqu'ici, finalement. » lâche finalement Éridan.

Une constatation sans ressentiments qui danse dans le calme de la clinique. Pourtant, Loïs ne ressent que plus douloureusement cette plaie dans son cœur qui le tiraille de honte et de regret. Éridan lui en veut-il encore sous ce masque de neutralité ? Lui, en tout cas, n'a toujours pas oublié leur conversation qui lui laisse toujours ce goût amer en bouche. Lui, il s'en veut.

« Pardon, je ne voulais pas dire tout ce que j'ai dit la dernière fois... »

Éridan se lève et lui sourit timidement.

« C'est déjà pardonné, c'est moi qui devrais m'excuser.

– Pourquoi ? demande soudain Loïs, surpris.

– Pour tout ce que je ne voulais pas dire la dernière fois. »

Ils échangent un regard complice et se sourient. Et Loïs se sent soudain libéré d'un poids quand un coup de coude lui arrive dans les côtes.

« Aie ! Ça va pas, Lucile ?

– Vous comptez rester ici longtemps ? Y'a mieux comme endroit pour se réconcilier.

– Je suis d'accord, réplique vivement Éridan. Si on peut sortir tout de suite, ça m'arrange. »

Tous rient ou sourient à son ton pressant et amusé, mais derrière cette frivolité apparente, Loïs sait que rien d'être rentré en ces lieux n'a pas été simple pour son ami. Ses mains tremblent encore imperceptiblement dans ses poings aux jointures blanchies, ses joues sont aussi blanches que la lune, sa voix légèrement mal assurée. Toutefois, il est bien et bien là et ce geste le touche bien plus qu'il n'en laisse paraître.

Jusqu'à s'envolerWhere stories live. Discover now