Chapitre 37

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L'odeur de la fumée lui pique les narines tandis qu'il remet un peu de bois dans le foyer.

« Tu peux compter sur moi, mec, déclare Charlie entre deux crépitements.

– Merci », souffle Loïs.

La commissure de ses lèvres se redresse légèrement, mais Éridan ne reconnaît même pas un léger sourire. Il devine sans mal que son ami se sent plus qu'impuissant devant cette situation qu'il a tenté d'éviter de toutes les manières possibles. La pitié, les cris, les pleurs, le chaos. Tant de choses qui empoisonnent les hommes et les relations.

Au terme de longues minutes pendant lesquelles tous trois tentent maladroitement d'effacer le malaise, les crissements de semelles dans les graviers accompagnent le retour des deux filles. Ana a les yeux rouges, gonflés par le chagrin. Romane leur fait un léger signe de la main. Personne ne relève les larmes, personne ne veut revenir sur la discussion tout de suite. À la place, ils entament des conversations vides de sens. Ils tentent d'éclipser tout ce qui pourrait leur rappeler qu'ils n'en ont pas fini de parler. Mécaniquement, ils essaient d'agir comme à leur habitude, mais rien n'est naturel.

Finalement, Ana met fin à la mascarade.

« Pardon pour tout à l'heure. »

Éridan hésite entre le soulagement et l'appréhension. Faut-il vraiment remettre le sujet sur table, maintenant ?

« J'aurais pas dû crier, j'aurais pas dû m'énerver...

– T'inquiète, Ana, je comprends, tente Loïs pour la rassurer.

– Je... Loïs, je tiens à toi, savoir que tu vas mal, ça me fait mal aussi. Je me sens impuissante et je déteste ça. Je voudrais te dire plein de choses, t'assurer que tout ira bien, mais j'en suis incapable, je sais pas quoi faire... »

Son discours s'embrouille. Ses propos ne sont pas limpides pourtant, Éridan les comprend parfaitement.

« Je voulais pas m'énerver, je suis désolée.

– C'est déjà pardonné, Ana. J'aurais dû vous le dire plus tôt, j'aurais dû...

– T'as rien à te reprocher, tu ne nous dois rien, déclare Romane. Si tu ressens le besoin de nous le partager, on t'écoutera, on est là pour ça. Mais ne te sens pas obligé de nous le dire si tu ne veux pas.

– Merci... C'est pas que je ne veux pas vous en parler, c'est dur, je trouve pas les mots. J'ai peur aussi, j'ai peur que ça change quelque chose entre nous. Je veux qu'on continue de rire et de faire des conneries ensemble...

– L'un n'empêche pas l'autre, affirme Éridan.

– C'es plus drôle de rire avec quelqu'un, c'est moins lourd de porter ses problèmes avec quelqu'un, c'est mathématique !

– Wow, ça se voit que ça fait longtemps que t'as arrêté les maths, Charlie !

– C'est ça, moque-toi ! »

Éridan sourit. Cette soirée n'est pas comme les autres, ils ont le cœur en vrac, l'esprit dans la brume, pourtant, tous parviennent à reprendre leurs marques dans le désordre. Ils sont toujours les mêmes, il n'en doutait pas, mais voir le visage soulagé de Loïs rend cette reprise du naturel plus belle. Les nuages ne couvrent pas forcément le bleu du ciel. La lumière solaire parvient toujours à se frayer un chemin dans la masse. Difficilement, mais sûrement.

Le moral de tous est atteint et pourtant à mesure que leurs langues se délient et leurs cœurs se vident de leurs craintes et de leurs peurs, les sourires deviennent plus spontanés. La joie devient réelle, prémices d'un bonheur lointain.

Jusqu'à s'envolerWhere stories live. Discover now