Epilogue

52 13 12
                                    

J'ai peur.

Le temps continue de s'écouler et j'ai l'impression de ne pas bouger. La parenthèse que ce début d'été m'a offerte se ferme peu à peu. La voiture fait disparaître le bitume sous ses roues et j'ai l'impression d'étouffer.

Que se passera-t-il quand les routes et les rues me paraîtront familières ? Vais-je replonger dans le cercle vicieux qui fait ma vie depuis déjà tant d'années ?

Mes amis sont calmes dans l'habitacle, peut-être qu'ils dorment. Seul Charlie garde les yeux sur la route. Ses doigts martèlent le volant sur le rythme de la radio. Ça m'apaise un temps. J'essaie de respirer, de vider mon esprit. Je ferme les yeux.

Inspiration. Expiration.

« Ça va ? »

La voix d'Eridan me sort de ma concentration. Je lui souris, et hoche la tête. Je n'essaie même pas de répondre, ma gorge est si serrée. Les mots ne viennent pas.

Il me sourit en retour, mais la lumière n'atteint pas ses yeux. Il ne me croit pas. Toutefois, il ne relève pas, un silence se dépose, un voile de poussière sur les Hommes.

« Tu penses qu'on peut être heureux dans la vraie vie ? je demande finalement, à demi-mot.

– La vraie vie ? »

Sa voix ne retient aucune interrogation. Plus un questionnement intérieur. Il semble réfléchir, mais ne dit rien.

«Si l'on n'est pas heureux dans la vraie vie, ça sert à quoi d'être heureux ? » lance soudain Charlie.

Mon regard croise le sien dans le rétroviseur, il me sourit.

« C'est vrai. »

On se plonge dans un mutisme, la radio continue de cracher ses voix entrecoupées. Je suis soudainement plus serein. Les doutes ne se sont pas envolés, ils ne s'envolent jamais. Mais les derniers jours me reviennent, le goût du bonheur dans ma bouche me réchauffe le cœur.

Ces quelques instants ont été éprouvants, mon corps en tremble encore. Pourtant, j'ai l'impression de n'avoir pas été aussi bien depuis trop longtemps.

Dans un nuage étrange, j'ai le sentiment que je peux avancer. Pas juste une sensation éphémère, plutôt une certitude, comme ancrée sous ma peau.

À côté de moi, je vois Éridan serrer dans sa main un papier avec détermination.

Ce voyage nous a tous changés, c'est peut-être minime, mais je me sens différent.

Mon corps crie toujours cette détresse silencieuse, je peux l'entendre, comme une sirène devenue habituelle. Mais au milieu de ce vacarme, je brûle de cette envie de continuer à percer le chaos.

Une envie irrépressible de me battre. De ne rien regretter, de toucher au moins un temps ce qu'on appelle le bonheur.

Je ne sais pas si j'y arriverai, mais je veux qu'aux derniers instants, quand il ne me restera plus que mes yeux pour regarder le ciel, je veux pouvoir affirmer haut et fort aux anges que ma vie en valait la peine.

Alors, je pourrais m'envoler.

Jusqu'à s'envolerWhere stories live. Discover now