Chapitre 12

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Près de la gare, un petit Laser Game se tient entre deux bâtiments résidentiels. Sorti de nulle part, un renfoncement dans une façade haussmannienne abrite un escalier de cinq marches. Et en bas, se dresse l'entrée de ce lieu où règne toujours la pénombre.

Loïs arrive devant cet établissement familier. Les deux portes noires s'ouvrent, laissant passer un filet de musique électro et un groupe de personnes encore transpirantes. Ils semblent discuter de la partie qu'ils viennent de partager avec enjouement. Cependant, Loïs ne reconnaît personne et décide d'entrer en espérant y trouver ses amis.

Alors qu'il n'a même pas posé un pied dans la salle principale, au milieu des notes de synthé et des basses que crachent les hauts parleurs disséminés aux quatre coins de la pièce, il entend un rire franc qu'il connaît si bien. Son regard s'accroche alors au perfecto noir de Charlie, accoudé au bar, mais surtout, à la jeune fille hilare à ses côtés. En tournant la tête, elle l'aperçoit et lui fait un geste de la main. Il le lui rend et pose un doigt sur ses lèvres. Elle lui sourit et se retourne comme si elle ne l'avait pas vu tandis qu'il s'approche à pas de loup. Il pose alors violemment ses mains sur les épaules de Charlie qui sursaute dans un petit cri. Loïs et Ana éclatent de rire et le barman, alerté par le bruit, se rapproche des adolescents.

« Hey, il se passe quoi, les jeunes ? Mon neveu se ridiculise encore tout seul ? s'exclame-t-il avec malice.

— Je l'ai un peu aidé, mais je ne pensais pas que ça marcherait autant, lui répond Loïs entre deux gloussements.

— C'est bon vous avez fini de vous foutre de ma gueule, demande Charlie vexé alors que son ami et son oncle se tapent dans la main.

— Allez rigole un peu, on aurait dit une souris !

— Ah ah ah... Hyper drôle... Ana, dit quelque chose !

— Tu veux que je dise quoi mon petit rongeur ? T'es un clown malgré toi, j'y peux rien, rit-elle.

— La traître... »

Du coin de l'œil, Loïs aperçoit alors son meilleur ami entrer suivi de Romane. Charlie, les voyant aussi, sort de sa bouderie :

« Éridan sweat blanc, Romane chemisier blanc... On fait une partie de Laser Game, les gars. Vous vous êtes assortis pour perdre ? se moque-t-il.

— On était déjà dehors quand tu nous as appelé. On n'a pas eu de temps de rentrer se changer », lui répond Éridan en riant.

Ce n'est qu'à ce moment-là que Loïs remarque la guitare de Romane sur le dos de son ami et la veste en jean de ce dernier sur le dos de la jeune fille. Son instinct ne l'a pas trompé, ces deux-là n'en ont pas vraiment fini. Il décide alors de les embêter :

« Vous faites des plans tous les deux sans nous inviter !

— Nan, on s'est croisé par hasard », se défend Romane alors qu'Éridan, à ses côtés, rougit presque imperceptiblement.

Loïs fait mine d'être suspicieux, mais avant qu'il ne puisse creuser davantage, l'oncle de Charlie les interpelle :

« Dans deux minutes, quand cette partie va se finir, c'est à vous. Posez vos affaires dans la salle derrière, comme d'habitude.

— Y'a des gens avec nous ? lui demande son neveu.

— Non, c'est rare qu'on ait beaucoup de monde le samedi midi.

— Ça, ça veut dire que je vais tous vous fumer !

— Pas sûr, si tu nous fais les mêmes cris que tout à l'heure, ça va être facile de te repérer.

— T'as pas fini avec ça », soupire Charlie alors que ses amis rient de plus belle.

Les portes s'ouvrent enfin et les cinq adolescents remplacent le groupe venant de sortir. Puis l'entrée se referme derrière eux, les laissant dans la pièce éclairée par les néons de lumière noire. Sans surprise, Romane et Éridan rayonnent comme deux étoiles grâce, ou à cause de leurs hauts clairs, mais l'heure n'est plus à la rigolade. Ils enfilent chacun un plastron et décrochent leur pistolet qui sera leur seul ami pour les prochaines 20 minutes.

Loïs ressent monter l'adrénaline quand la voix robotique lance le compte à rebours déclarant la guerre temporaire entre lui et ses amis. Plus personne ne dit rien, ils se regardent en chien de faïence déjà dans leur rôle de tireur d'élite. Quand l'alarme résonne enfin, les portes du sas se dérobent et les cinq joueurs s'élancent dans le labyrinthe nocturne.

Devant lui, Loïs voit la blouse blanche de Romane se faufiler entre les murs jusqu'à que leurs chemins se séparent au détour d'un croisement. Il sait qu'elle choisira un spot d'où tirer et observer facilement les autres joueurs. Éridan en fera sûrement de même. Ces deux snipers seront assez dangereux, mais débuscables. Il craint un peu plus Charlie et Ana qui passent généralement leurs parties à courir dans tous les sens pour chercher leurs adversaires. Lui, il préfère les jeux en équipe durant lesquels il peut piéger les joueurs adverses. Toute fois, il a ses propres armes, en partie solo, les pièges du labyrinthe sont ses meilleurs amis. Ils lui permettent d'éliminer les autres de loin sans rester statique trop longtemps ou savoir viser parfaitement.

La musique frappe ses tympans. Il se cache derrière une paroi, quelqu'un approche. Quand il voit apparaître la couleur du plastron d'Ana, il tire sur la cible d'un piège et se précipite ailleurs afin de mettre un mur entre lui et l'émetteur. Il y a un flash lumineux et il entend sa victime jurer et partir en courant. Il faut qu'il change de place s'il ne veut pas se faire repérer. Il évolue lentement dans le labyrinthe aux murs tachetés de peinture fluorescente, redoutant la prompte venue d'un de ses ennemis. La fumée lui chatouille le nez, mais il se sent extrêmement à son aise dans cette ambiance stressante.

Quelqu'un court vers lui, il peut entendre les pas étouffés, arrivant de sa droite. Il s'arrête en attendant la venue de sa cible, mais subitement son équipement se désactive quand Charlie entre dans son champ de vision. Il s'est fait avoir par un sniper... Agacé, il quitte la zone, prêt à débusquer le traître caché. Il avance à pas de loup en longeant les murs. Soudain, dans un renfoncement, il aperçoit une manche blanche dépasser. « Trouvé, Éridan », pense-t-il en visant la petite partie de l'épaulette émergeant de la paroi. Touché. La cible se retourne mais Loïs est déjà parti à vive allure. Il monte à l'étage où il espère trouver Romane, embusquée. Son cœur bat à toute allure quand il fait le tour de la zone, personne ne semble être là, il est un peu essoufflé et décide chercher un spot d'où tirer. A travers une grille, il aperçoit Charlie et Ana essayer de s'abattre mutuellement. Cette dernière est déjà dans le périmètre du piège le plus proche alors que l'autre se rapproche petit à petit. Dès que le jeune homme rentre dans la zone, Loïs tire dans la cible, désactivant les deux duellistes. Cependant, l'écran sur son arme lui indique la mort de Romane également. « Trois d'un coup ! » se réjouit-il intérieurement.

Il sort de sa cachette et se prépare à repartir. Il connaît maintenant la position approximative des quatre autres. Un pas après l'autre, il traverse la zone supérieure pour atteindre l'escalier. L'adrénaline lui fait pousser des ailes, il slalome entre les murs frénétiquement pour ne pas perdre une seule seconde.

Mais alors qu'il n'est plus qu'à quelques mètres de la descente, ses jambes se dérobent sous lui. Le temps semble ralentir, il se sent projeté en avant tandis que le sol se rapproche inéluctablement. Par instinct, il protège sa tête de ses bras et roule au sol. Il sent son corps percuter violemment le mur le plus proche alors que sa tête vient rencontrer l'arme factice toujours dans sa main. Le choc résonne dans chacune de ses cellules. Ses oreilles bourdonnent, effaçant la musique du labyrinthe. Autour de lui, les lumières, les murs se floutent dans une peinture impressionniste.

Flash de couleurs avant l'obscurité.

Jusqu'à s'envolerWhere stories live. Discover now