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Ajaccio – novembre 2014

Je viens tout juste de rentrer des cours que la musique qui sort de la chambre de mon frère résonne déjà dans toute la maison ; étonnant pour un jour de semaine. Papa et maman n'autorise jamais Samuel à faire venir du monde à la maison lorsque nous avons cours le lendemain, il paraît que ça nous déconcentre de trop. Lassée, je me laisse tomber sur le canapé, sachant pertinemment que ce serait pire si je m'enfermais dans ma chambre, Samuel n'a pas la notion du mot « cohabiter ».

Je m'attache les cheveux en une haute queue de cheval tandis que mon corps s'étale de tout son long sur le canapé. Et sans m'en apercevoir, je tombe dans les bras de Morphée.


- Les gars, on se fait une partie ?

Je n'ai dormi que 10 minutes, à tout casser, que la bande à Sam se pointe dans le salon, à mon plus grand regret. Dans un soupir, j'ouvre les yeux et c'est là que les garçons me remarquent. Les garçons et Téa. Toujours collée à eux, celle-là.

- Emma, tu nous laisses le salon, s'te plaît.

Mais quelle gentillesse. Et puis, je sais qu'il s'agit plus d'un ordre que d'une question, mais devant ses amis, Samuel a plus l'art de jouer l'ange que le démon.

Sans lui répondre, je me relève tout en prenant mes affaires et monte les escaliers, les yeux concentrés sur mes pas. Mais où sont papa et maman ? À mi-chemin, on me bouscule –ou plutôt, un énorme tas de muscles me bouscule– et je manque de tomber en arrière jusqu'à ce que sa main me rattrape le poignet.

- Désolé Emma, je ne t'avais pas vu.

Évidemment.

- Tu vas bien ?

Liam, que je croise tous les deux jours dans ma maison, me regarde et son air inquiet me paraît sincère. Bizarre.

- Oui, merci, je réponds en le contournant pour monter dans ma chambre.

J'essaie de cacher mes joues roses une fois que je suis dans la pièce et calme mon cœur qui bat rapidement. Est-ce possible d'être aussi idiote face à ce garçon ?

Sara m'envoie de nombreux messages le restant de l'après-midi tandis que j'essaie de me concentrer sur mes cours ; impossible. Les garçons font trop de bruit et je n'arrête pas de penser à Liam, bêtement.



Lorsque j'entame la fin de mes devoirs, le rez-de-chaussée me semble beaucoup plus calme qu'auparavant. Je décide de descendre lorsque mon ventre gargouille et, à ma plus grande surprise, il est déjà 19h passé. Quelque chose cloche, on dîne beaucoup plus tôt que ça, d'habitude.

En sortant de ma chambre, seules les voix de trois personnes se font entendre dans le salon. Samuel, Liam et Téa.

Pour ne pas les déranger, je décide de rester dans la cuisine quand un mot accroché au frigo attire mon attention ; l'écriture de ma mère est reconnaissable d'où je suis. En m'approchant, j'attrape le papier entre mes mains et les mots inscrits à la va vite me brisent le cœur.


« Samuel, Emma,

Cette nuit, nous avons dû partir en vitesse dans le Nord de la France. Plusieurs de nos clients ont besoin de nous dans la région. Nous sommes désolés, nous sommes de retour dans deux semaines. J'ai versé de l'argent sur votre compte. Je compte sur toi, Samuel, pour prendre soin de ta sœur. Vous allez nous manquer.

Papa et maman. »


Quoi ? Furieuse, je sors de la cuisine et froisse le bout de papier pour ensuite le lancer à travers le salon, vers mon grand frère.

- Ça ne t'es pas venu à l'idée de me prévenir ? demandé-je, énervée.

Samuel, un sourire moqueur sur le visage, me regarde de haut en bas en haussant les épaules.

- Tu sais lire, il me semble.

- Et comment je fais alors que tu monopolises toute la maison ? Tu n'as même pas pensé à me dire que tu commandais à manger...

Je parle de plus en plus bas tout en fixant son carton de pizza ; vide. Téa ricane, la bouche pleine, et je ne peux contenir plus longtemps ma tristesse. Seulement, trop fière pour le montrer, je m'encours à l'étage en prenant soin de ne rien laisser paraître.

Une fois la porte de ma chambre fermée, je me lâche. Les larmes coulent à flots et j'ai l'impression que mes parents ne sont plus là depuis des années. Saletés d'avocats.

- Emma, ça va ?

Les coups contre ma porte arrêtent immédiatement mes pleurs et, surprise, je ne sais pas quoi faire. Il me semble que cette voix est celle de Liam, mais qu'est-ce qu'il me veut ?

- Ouvre-moi, s'il te plaît.

Je frotte rageusement mes deux joues afin d'essuyer les larmes encore présentes et ouvre la porte au meilleur ami de mon frère, me retournant pour m'assoir sur mon lit.

- Qu'est-ce que tu fais là ?

- Je voulais voir comment tu allais...

- Non, je veux dire, qu'est-ce que tu fais là ? Samuel et Téa vont se demander où tu es. Je pense qu'ils ne seront pas très contents de savoir que tu consoles la pauvre petite Emma.

Je resserre l'élastique qui entoure mes cheveux et pousse un énorme soupir tout en décidant d'enfin poser mes yeux sur lui. Dieu comme il est beau. Il s'approche de mon lit et s'assoit à mes côtés, sans hésitation.

- Je leur ai dit que j'allais prendre une douche. On sort après alors...

Il marque un arrêt dans sa phrase et comme s'il pensait que ça n'en valait pas la peine, il ne la continue pas.

- Je suis désolé, me dit-il en me regardant tristement.

Mes sourcils se froncent et Liam me comprend.

- Que ton frère soit un con.

- Oh, ne t'en fais pas. Ce que vous voyez, ce n'est rien comparé à ce qu'il est vraiment. C'est un vrai petit ange, devant vous.

Je lui souris tristement et Liam me le rend. Je me sens alors faire un effort surhumain pour ne pas rougir.

- Tu veux que je lui parle ?

- Surtout pas, soupiré-je en me levant de mon lit pour faire les cent pas. Ce sera pire.

Liam appuie ses coudes contre ses genoux tout en levant son regard vers moi et celui-ci ne me quitte pas.

- Merci Liam. Tu n'es pas obligé de faire ça... murmuré-je en m'arrêtant pour le regarder.

- J'en avais envie.

Toujours debout face à lui, nous nous regardons pendant ce qui me semble être une éternité mais je finis par détourner les yeux, beaucoup trop gênée.

- Si tu as besoin de quoi que ce soit pendant l'absence de tes parents, n'hésite pas.

- Évidemment, tu seras souvent ici, alors...

Il secoue négativement la tête et se redresse afin de s'approcher de moi.

- Peut-être. Mais appelle-moi, dès que tu en auras envie.

Son regard droit dans le mien, mes lèvres se détachent l'une de l'autre sans qu'aucun son ne sorte de ma bouche. Il me prend délicatement mon portable des mains tout en m'observant afin d'en avoir l'autorisation, mais toujours rien ne sort. Liam émet un petit rire –vraiment mignon– et il compose alors son numéro sur mon portable afin de l'enregistrer dans mes contacts.

- N'hésite vraiment pas, insiste le garçon avant de sortir de ma chambre.

Le temps d'un étéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant