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Ajaccio – février 2015

- Et pourquoi pas Victor ?

- Trop petit.

Je pousse un soupir en tournant sur la chaise de mon bureau, mes mains sur les accoudoirs et ma tête sur le dossier. J'observe Sara, assise en tailleur sur mon lit, qui défile sur son portable les photos des garçons qui, je cite, pourraient me rendre heureuse. Je ne suis jamais vraiment sortie avec un garçon, si ceux des maternelles ne comptent pas, encore moins flirté, alors pour Sara, tout est clair : il est enfin temps de me trouver quelqu'un.

- Écoute, ne perds pas ton temps, aucun d'entre eux ne me plaît, on ne va pas en faire tout un plat.

- Il faut absolument que tu viennes accompagnée à mon anniversaire, ce serait trop la lose que la meilleure amie de la Reine Du Jour soit... seule.

Je ne peux m'empêcher de rouler des yeux puis je me redresse en la rejoignant sur mon lit afin de ramasser nos feuilles de cours éparpillées sur celui-ci.

- Je peux toujours proposer à Ethan de m'accompagner, mais interdiction de me caser avec lui, ce n'est pas mon genre.

- Mais est-ce que tu as un genre, au moins, Emma ? rigole la blonde.

Dos à elle, je ne peux m'empêcher de rougir en pensant à Liam. Je sais, je ne devrais pas penser à lui, il est plus âgé, c'est le meilleur ami de mon frère et il connaît à peine mon prénom mais physiquement, c'est lui. C'est totalement mon genre.

- Eh, tu penses à qui, là ? demande ma meilleure amie, plus sérieuse tout à coup.

- Quoi ? demandé-je en me retournant pour la regarder. À personne, pourquoi ?

- Bien sûr. Tu es devenue bien trop silencieuse d'un coup. À qui est-ce que tu pensais ?

Elle insiste un peu trop et je me retrouve devant elle à ne pas savoir quoi dire, la bouche à moitié ouverte.

- Sara, laisse tomber, c'est bête...

- Em', ne dis pas n'importe quoi. Raconte-moi.

Je retourne auprès d'elle tout en faisant la moue, sachant d'avance que ce que je m'apprête à lui confier ne servira à rien.

- C'est un ami à mon frère... Je le trouve vraiment beau mais... enfin, c'est tout, il sait à peine que j'existe. Mais oui, ce serait plutôt lui mon genre.

Les yeux baissés sur mes doigts qui se triturent, j'ose les relever et aperçois ma meilleure amie, bouche bée, avec un sourire sur les lèvres.

- Quoi ? Un mec plus âgé ? Je ne te connaissais pas comme ça, rigole Sara. Tu lui as déjà parlé ? Je le connais ?

- On se croise lorsque Sam l'invite à la maison mais rien de plus... Tu dois l'avoir croisé aussi quelques fois, oui.

- Faut quand même avouer que tous les copains de ton frère sont canons... Lui aussi, d'ailleurs.

- Eh !

Je lui frappe le genou et rigole avec elle, relâchant toute la pression en m'affalant sur mon lit.

- Tu sais, moi et Nathan ce n'est pas le top en ce moment... On fait semblant au lycée mais on se dispute beaucoup, me dit ma meilleure amie en se couchant à mes côtés.

J'attrape sa main tout en fixant le plafond et ne dis rien, la laissant continuer :

- Il me reproche de toujours tout exposer, de voir les choses en grand... mais je suis comme ça. Il hésite même à venir à mon anniversaire, il me dit qu'il n'a pas envie d'être autant sur le devant de la scène...

Sara aime être sous les projecteurs, elle aime que tous les regards soient posés sur elle et faire les choses en grand. Pour sa soirée, elle a loué une salle et a invité quasiment la totalité des classes de notre année, au lycée. Je peux, quelque part, comprendre son petit ami qui voulait peut-être simplement le fêter en petit comité.

- Parles-en avec lui, dis-je doucement. Peut-être qu'il s'agit d'un malentendu... Ou peut-être qu'il a simplement besoin d'être en tête-à-tête avec toi, pour une fois.

- Mais j'ai déjà tout organisé...

- Je ne dis pas ça pour ta soirée mais accorde-lui un peu plus d'importance, en dehors du lycée. Essaie de moins penser aux autres mais un peu plus à toi, à vous.

À mes mots, le téléphone de Sara vibre et je ne peux m'empêcher de sourire lorsque le prénom de Nathan apparaît. Elle me regarde, comme pour me demander l'autorisation, puis je hoche vivement mon visage en rigolant.

- Fonce !

Nous nous levons du lit pour descendre les escaliers quand les rires qui proviennent du salon nous arrêtent dans notre élan. Je soupire en regardant Sara qui me fait l'une de ses plus belles grimaces.

- Tu es sûre que tu ne veux pas que je reste ?

- Fonce, je t'ai dit. Je vais passer le restant de la soirée à me mater Desperate Housewives. Rien de mieux, tu ne trouves pas ?

- Je t'envie, rigole ma copine.

Je lui ouvre la porte d'entrée et elle la franchit après avoir déposé un énorme bisou sur ma joue.

- On s'appelle demain ?

J'approuve puis referme la porte. Je passe discrètement par la cuisine afin de prendre de quoi grignoter mais les voix qui proviennent de la pièce d'à côté deviennent de plus en plus fortes.

- Le bisou, le bisou, le bisou !

En chœur, les amis de Samuel ne cessent de répéter ces deux mots, ce qui m'agace très fort. J'approche l'ouverture qui sépare les deux pièces et j'ose un regard vers le groupe d'amis, assis en rond sur le tapis du salon, la table basse à moitié renversée et des tas de bières posées au sol. Si maman voyait ça...

Ils doivent bien être une dizaine et je ne connais que quelques-uns d'entre eux. J'aperçois Téa, dans mon champ de vision, face à Liam qui, heureusement, ne me voit pas. Tous les deux sont à présent sur leurs genoux et Téa s'approche dangereusement de lui afin de déposer ses lèvres sur les siennes. La scène me fait un mal de chien, je sens mon cœur se serrer au maximum et ma main est crispée sur l'ouverture du mur. En voyant une bouteille couchée au milieu du cercle qu'ils forment je comprends facilement à quel jeu ils jouent, mais tout de même ; ça fait mal.

Malgré que je ne veuille plus voir ce qu'il se passe sous mes yeux, mes pieds en décident autrement et reste plantés là, à regarder Téa embrasser langoureusement le meilleur ami de mon frère. Il n'a pas l'air d'avoir envie de la repousser puisque je vois d'ici qu'il répond au baiser. Répugnant. Ils se mangent la bouche, ce n'est pas possible.

Alors que je m'apprête à partir, je vois Téa ouvrir ses yeux dans le seul but de me regarder. Merde. Honteuse, je me pince les lèvres mais le sourire qu'elle m'envoie me dit que son objectif est de me faire du mal. Amusée, la brune passe ses mains dans les cheveux de Liam tout en approfondissant leur baiser, ses yeux droits dans les miens.

C'en est trop.

Pourquoi ?

Je me force à détourner le regard lorsque je sens une larme couler le long de ma joue. Je me dépêche de faire demi-tour en laissant les biscuits préalablement choisis sur le comptoir de la cuisine.

Tant pis, je n'ai plus faim.

Bordel, ça fait mal.

Je sais qu'il ne s'agit que de Liam, que ce n'est que le meilleur ami de mon frère et que je ne devrais pas me faire autant de mal pour rien mais c'est plus fort que moi ; à mes yeux, ce garçon est différent de tous les autres. Il était différent.

Le temps d'un étéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant