Chapitre 5

184 9 7
                                    


Mère de substitution, je tente de donner à Tallia toute l'affection dont elle pourrait se sentir privée en l'absence de la pauvre Abigaïl. Cinq années, déjà, ont passé. J'ai très tôt expliqué la vérité à la jeune enfant sur ses origines. Elle sait évidemment qu'elle est la fille de Thor et que sa vraie maman est morte. C'est une enfant gaie, parfois facétieuse, mais aussi secrète, qui confie peu ses sentiments et ses probables tristesses. Son père, s'il lui voue à l'évidence une grande affection, passe très peu de temps avec elle. Le géant blond n'a pas changé et voue toujours le plus clair de son existence aux séances d'entrainement ou beuveries excessives avec ses compagnons... Loki, plus mature, prend très au sérieux ses obligations de roi. Il a commencé l'initiation de sa nièce depuis bientôt trois mois. Bien que ces séances restent secrètes, il lui arrive de me faire part de ses inquiétudes :

- « Vois-tu, Marie, je ne regrette pas mon choix. Tallia a de réelles aptitudes à la sorcellerie et pourra à coup sûr après moi être une grande protectrice du royaume. Mais elle manque de sérieux, ne songe qu'à s'amuser et à me jouer des tours ridicules ! »

- « Voyons, Loki, ce n'est qu'une enfant...Il est normal qu'elle pense plus au jeu qu'au travail ! Elle tient beaucoup à toi, tu dois te montrer indulgent ! D'ailleurs, ta mère m'a raconté que lorsqu'elle a commencé ton instruction, ta farce favorite consistait à transformer ton pauvre frère en crapaud dès que tu en avais l'occasion... Elle devait te courir après dans tout le château pour t'obliger à inverser ton sort ! »

Mon mari me sourit affectueusement :

- « Voilà qui est vrai, c'était tellement amusant de le vois sauter partout en essayant de tenir son énorme marteau dans sa petite patte ! Tu as sans doute raison, je suis parfois trop sévère. J'oublie qu'elle est encore très jeune... »

Loki et moi nous enlaçons affectueusement. Depuis que Kay a été promu au titre de légitime héritier du trône, mon époux ne m'a heureusement plus parlé de mettre au monde un autre fils. Je peux ainsi pleinement me consacrer à ma nièce, sans oublier bien sûr mon aîné. Ce dernier a encore grandi en sagesse et bienveillance. Particulièrement cultivé grâce à ses nombreuses lectures, il s'exerce également régulièrement au métier des armes afin de devenir plus tard un souverain accompli. Nous sommes restés très proches et je lui rends régulièrement visite. Un soir de pleine lune, j'ai la surprise de le trouver figé devant sa fenêtre, le visage éclairé par la lumière diaphane de l'astre de la nuit, apparemment songeur et désabusé. Avant même que j'aie pu lui poser la moindre question, il se confie à moi :

- « J'étais en train de penser à ... Arax. Cela m'arrive souvent ces derniers temps. Mon petit frère, malgré ses crimes, me manque beaucoup. En fait, je crois que je suis un peu responsable de sa déchéance... »

- « Comment peux-tu dire une chose pareille, Kay ? »

- « Lorsque j'ai atteint l'âge de raison, j'ai rapidement pris conscience de la préférence d'Odin et Frigga à mon égard. Même si je ne voulais pas l'avouer, j'étais très fier de ce privilège. Jamais je n'ai cherché à mettre Arax en avant, à souligner ses qualités... Si je l'avais fait, peut-être n'aurait-il pas été aussi jaloux. Il serait toujours en vie aujourd'hui et Samia sans doute encore à mes côtés... »

La souffrance de mon aîné me chavire le cœur. Je me permets de l'interroger doucement :

- « Tu es toujours amoureux d'elle, n'est-ce-pas ? »

- « C'est vrai. C'est une histoire totalement différente de la votre avec père. Je n'ai pas éprouvé de coup de foudre pour elle au début, je ne la trouvais même pas jolie, je ne l'ai choisie que parce qu'elle semblait souffrir encore plus que les autres aux cuisines... Mais, au fil des jours, nos relations ont changé. Nous avons beaucoup parlé, j'ai découvert ses qualités intérieures et commencé à éprouver un grand désir pour elle. C'était une torture de me retenir de la prendre... J'aurais été fou de joie qu'elle devienne ma femme ! Je ne parviens pas à me résigner de l'avoir perdue... »

ANGE ET DEMON, UNE LEGENDE D'ASGARD - TOME 3Où les histoires vivent. Découvrez maintenant