Chapitre 18

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(Loki songe)

Être pardonné, ces deux mots fondent actuellement le seul sens de mon existence. Je contemple mon épouse, ma merveilleuse Marie, qui ne m'accorde même pas un regard. Je suis admiratif de la dignité dont elle a fait preuve pour aller parler calmement à Tallia, là où tant d'autres se seraient perdues en invectives et vociférations. Je mesure la chance que j'ai et que je viens de réduire à néant. Pourtant, j'aime toujours ma femme, de toutes mes forces, de toute mon âme. Je donnerais ma vie sans hésiter si cela me permettait de retrouver son affection. Dans l'attente de la décision de ma nièce, je ne peux pourtant que me taire. J'ai terriblement peur de ce qui pourrait arriver si elle mettait sa menace à exécution, la colère de Thor, la honte de ma traîtrise et la terrible guerre civile qui s'ensuivrait sûrement.

Je n'arrive pas à comprendre moi-même comment j'ai pu me laisser aller à cette spirale infernale de mensonge et duplicité. Il était évident qu'une aventure aussi improbable finirait tôt ou tard par être révélée au grand jour. Je suis conscient du chagrin que j'ai causé à mon épouse qui ne pourra sûrement jamais me pardonner. J'aurais dû être capable de repousser ma disciple et de lui venir en aide au lieu de profiter de son évident désarroi, dans le seul plaisir dissimulé de nuire à mon frère. Même si je suis convaincu que Marie a trouvé les mots les plus justes pour toucher le cœur de sa fille adoptive, la crainte qui habite mon esprit ne cesse de grandir au fur et à mesure que les minutes passent.

A la fin de la matinée pourtant, trois petits coups discrets sont frappés à la porte, qui me font sursauter. Ma femme se lève calmement pour aller ouvrir alors que Tallia, en larmes, se jette dans ses bras tout en balbutiant entre deux sanglots : « Maman, pardon... ». Alors que toutes deux s'étreignent longuement, je m'écarte discrètement pour m'assoir devant mon bureau dans la pièce voisine. Je me sens totalement mis à l'écart de cette réconciliation, honni et méprisé de chacune.


Je serre ma petite fille de toutes mes forces contre mon cœur. Même si je savais au fond de mon âme qu'elle ne prendrait pas le même chemin que mon pauvre Arax, je me sens quand même extrêmement soulagée pour la sécurité du royaume. Comme elle m'embrasse encore une fois, elle m'explique ses raisons :

- « J'ai longuement réfléchi à vos propos et à l'histoire de mon cousin décédé. Vous avez raison, je me sens tellement seule parfois, avec mon père qui me couvre de présents mais n'a jamais une parole tendre pour moi... Je crois que j'ai recherché l'amour d'un homme plus âgé pour compenser ce manque. Et puis, il y a cette lettre de ma mère... Je n'ai rien compris, je croyais que vous la détestiez et aviez voulu l'effacer. J'ai tellement honte de vous avoir fait tant de mal, tenez, lisez vous-même... »

Je saisis délicatement la précieuse missive tendue par Tallia, en mesurant la confiance qu'elle me fait pour me permettre de découvrir des mots aussi intimes :

« Mon cher enfant, je t'appelle ainsi puisque je ne sais pas encore si tu seras un petit Erick ou une petite Tallia,

Si tu lis cette lettre, c'est que je suis malheureusement partie rejoindre les esprits de nos ancêtres. Je suis à mon septième mois de grossesse et j'ai la terrible intuition que la destinée ne me sera pas favorable. Les visages inquiets et fermés des personnes qui m'entourent ne font que confirmer cette impression. Alors, je tenais à te laisser ces quelques lignes pour que tu ais au moins un petit souvenir de moi.

D'abord, je veux te dire que je t'aime de tout mon cœur. Même si ta venue au monde est le fait d'une faute commise avec ton père avant le mariage, elle me remplit de la joie la plus profonde. Thor est un homme merveilleux, doté d'un grand sens de l'honneur, bienveillant et courageux. S'il devait m'arriver malheur, je sais qu'il sera toujours là pour te venir en aide. Mais c'est un homme, un guerrier, et je ne crois pas qu'il pourra s'occuper d'un nouveau-né comme toi. Aussi, bien que je ne puisse rien exiger, mon souhait le plus cher est qu'il te confie à l'épouse de ton oncle Loki, Marie, pour qui il a la plus grande estime. Pour te dire la vérité, je n'appréciais guère cette co-souveraine lors de mon accession au trône. Etant issue de l'une des plus nobles familles du royaume, je méprisais sa qualité d'ancienne esclave. Je crois aussi que j'étais envieuse de sa beauté et de l'amour que lui porte son mari. Mais, au fil des jours, j'ai appris à la connaître. C'est une femme douce, avenante, qui a veillé sur moi avec Frigga durant toute ma grossesse difficile. Je ne compte plus les nuits qu'elle a passées à me tenir la main et à me redonner courage. Nulle mieux qu'elle ne pourra te prodiguer toute l'affection que tu mérites et t'assurer la meilleure éducation possible. Même ses idées novatrices, que je trouvais complètement folles au début, commencent à faire leur chemin dans mon esprit ! Alors, mon enfant, si mon souhait se réalise, je ne te demande qu'une chose, sois respectueux et aimant envers elle comme tu l'aurais été avec moi. Et surtout n'aie pas peur. Tu seras toujours entouré d'une famille chaleureuse et indulgente, qui te guidera sur le chemin de la sagesse. Quant à moi, sois assuré que je veillerai éternellement sur toi au sein de ma nouvelle demeure céleste, baignée du souffle d'Yggdrasil, l'arbre de vie, pilier des neuf royaumes.

ANGE ET DEMON, UNE LEGENDE D'ASGARD - TOME 3Où les histoires vivent. Découvrez maintenant