ANGE ET DEMON, UNE LEGENDE D'ASGARD - TOME 3

Chapitre 28

Le silence a envahi l'étendue sombre et menaçante des marécages d'Isnar. Les deux adversaires reprennent leur souffle et se jaugent, face à face, à quelques mètres l'une de l'autre. Digne et courageuse, ma fille adoptive a vraiment fière allure et me fait penser à l'une de ces guerrières mythiques des temps anciens dont m'a souvent parlé Frigga, les valkyries. Pourtant, je suis folle d'inquiétude car Tallia, bien qu'asgardienne et fille de Thor, est de constitution plutôt fragile, mince et de petite taille. Amora, elle, grande et plantureuse, savoure avec une arrogance non dissimulée son avantage certain :

- « Tu ne ressembles guère à ton père, princesse ! Tu as le physique poussif d'une midgardienne comme la larve boueuse qui te sert de mère ! Je pense que tu ne vas guère tarder à aller la rejoindre... »

Occultant son humiliation, ma fille ne se laisse pas impressionner par ces provocations :

- « Ne te fie pas aux apparences, sorcière, tu pourrais bien être surprise ! N'oublie pas que j'ai été initiée par le grand Loki en personne ! »

L'enchanteresse machiavélique se met à ricaner :

- « Et initiée à quoi ? A te trainer à quatre pattes ou à genoux devant ton maître ? »

Malgré sa fureur, la future protectrice occulte d'Asgard parvient à se maîtriser et attaque son ennemie d'un premier coup d'épée particulièrement habile. La blonde magicienne riposte aussitôt et un combat sans merci s'engage sous mes yeux terrifiés. Précise et rapide, Tallia arrive à compenser sa faiblesse physique mais je vois bien qu'elle se fatigue et commence à manquer de souffle. Terriblement angoissée, je cherche encore à me dégager de la fange qui m'emprisonne, sans aucun effet si ce n'est celui de m'enfoncer davantage. Je hurle alors de toutes mes forces :

- « Tallia, écoute-moi, je suis ta mère et la reine d'Asgard ! Obéis-moi, téléporte-toi immédiatement au château ! »

- « Je suis désolée, maman, mais c'est non ! », me répond la jeune femme en évitant de justesse la lame de son ennemie.

Impuissante, je ne peux que prier de toutes mes forces pour que le dernier enfant qui me reste peut-être ne perde pas la vie sous mes yeux. A cet instant, les images de tous les visages aimés, présents ou passés, se bousculent dans ma tête. Je suis à présent enlisée jusqu'aux épaules et l'odeur épouvantable de la vase me donne la nausée. Amora, semblant imperturbable, fait pleuvoir les coups d'épée sur ma fille qui, contrainte de reculer, ne peut qu'esquiver :

- « On dirait que ce cher dieu de la malice a mal choisi sa disciple ! Il aurait mieux fait d'instruire un homme solide ou une femme de la trempe de lady Sif, pas une poupée vulnérable et ridicule comme toi ! »

Tallia ne répond pas. Mais, à ma grande surprise, elle reprend brusquement son avancée vers sa rivale en enchainant les feintes croisées avant de lui passer plusieurs fois la main gauche devant les yeux. Ce geste ne dure que quelques secondes, mais elles sont suffisantes pour aveugler la blonde sorcière et permettre à ma fille de lui planter sa lame sous la poitrine.

Incrédule, Amora porte la main sur sa plaie béante d'où le sang commence à s'écouler avec abondance, avant de s'effondrer sur l'herbe humide des tourbières. Alors qu'elle rampe au sol pour tenter de s'éloigner, Tallia s'approche d'elle, l'épée à la main. Visiblement affolée, la magicienne cherche à sauver sa vie :

- « Tu es la fille de Thor, tu dois avoir comme lui le sens de l'honneur et ne peux achever un ennemi à terre... »

- « C'est vrai, je suis la fille de Thor... », répond la jeune femme en faisant disparaître sa lame d'un claquement de doigts, avant de reprendre la parole d'une voix suave :