CINQ

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Tyler marche pendant une dizaine de minutes, avec moi, toujours dans ses bras, le regard dans le vide, la tête ballottée au dessus du sol, mes cheveux mouillés se balançant au rythme de ses pas. Je ne tourne pas une fois la tête, ne lui lance pas un seul regard ni ne lui adresse un seul mot. Étrangement, il ne m'a pas fallu plus de quelques instants pour désaouler.

Il me garde dans ses bras jusqu'à ce qu'on arrive devant un immeuble où il habite sûrement. Il me pose à terre en ouvrant la porte d'entrée de l'immeuble, puis je le suis en direction d'un ascenseur. Il garde mes vêtements dans ses bras. Nous montons jusqu'au troisième étage, et la porte de l'ascenseur s'ouvre sur une allée au allures luxueuses. Aucun de nous n'ouvre la bouche, et Tyler m'emmène à son appartement. Il ouvre la porte, et me fait signe d'entrer sans que nos regards ne se croisent. J'entre donc. Je me retrouve - encore - face à un magnifique appartement. Il y a ici aussi une grande baie vitrée près du salon.

Je sursaute quand j'entends la voix rauque de Tyler juste derrière moi.

— Je reviens, assis-toi là, me fait-il en désignant le canapé sombre à côté de nous.

Je hoche la tête et vais m'asseoir en enfilant vraiment la veste de Tyler. Je la ferme, juste pour ne pas me retrouver totalement en sous-vêtements. Je l'attends quelques minutes, puis il débarque dans la pièce. Il s'est changé, et est maintenant vêtu d'un jogging gris et d'un tee-shirt noir. Il porte sous son bras une serviette de bain blanche. Ses cheveux sont ébouriffés et ont l'air d'avoir été essorés. Il avance vers moi, puis sans un mot, s'accroupis face à moi, et déplie la serviette qu'il avait jusque là sous le bras avant de la plaquer sur ma tête et de frotter mes cheveux avec pour les essuyer sans me regarder dans les yeux. Je l'arrête et agrippe son poignet d'un main ferme.

— C'est bon, je n'ai pas besoin de ça.

Je lui enlève la serviette humide des mains et la pose près de moi sur le canapé. Tyler me regarde enfin dans les yeux, et je lis une certaine tristesse dans son regard.

— Tu veux bien m'expliquer ce qu'il s'est passé ? demande-t-il alors.

Je hausse les épaules.

— J'étais bourrée, et je voulais nager.

— Nager, hein ?

Une étincelle passe dans ses yeux, et je me racle la gorge.

— « Laisse moi être libre », je cite, continue-t-il. Ce n'est pas le genre de chose qu'on dit quand on se jette dans la mer juste pour nager.

— Je ne savais pas ce que je faisais, réponds-je alors brutalement.

— Arrête. T'avais beau être bourrée, tu savais ce que tu faisais. On ne fait pas ce genre de choses sans en avoir envie.

Je déglutis.

— OK, peut-être que j'en avais envie, finis-je par avouer. Et alors ?

— Mais pourquoi... Je n'arrive pas à comprendre...

— Ça ne te regarde pas, Tyler. D'accord ? Tu n'as pas à t'en mêler !

Je me mets debout pour fuir son regard pesant, et il se relève à son tour, me faisant face avec une expression sérieuse, énervée, sur le visage.

— Écoute moi bien, commence-t-il. Je ne vais pas te demander de me raconter ta vie, je ne vais pas te demander les raisons exactes de ton acte. Tu as raison, ça ne me regarde pas.

Il marque une pause, et je serre les poings, la poitrine serrée.

— Mais ce que je veux vraiment savoir, c'est pourquoi, alors que tu vas si mal, tu refuses de te faire des amis.

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